Aguessac le 9 Juillet 1919.
Bien cher Joseph,
Me voilà un peu en retard pour t’écrire, mais, en ce moment, on est pris par toutes sortes d’occupations et l’on manque facilement l’heure du train. Ce qui n’empêche pas que nous parlons souvent de toi et que nous regrettons beaucoup que tu ne soies pas libéré plus tôt. Enfin, quelques jours de patience encore et ce sera le retour définitif. Dans un mois tu seras là et nous ne penserons plus au départ. Je n’ai pu finir ma lettre ce matin, je la reprends ce soir et je t’annonce le mariage de Léon Armand avec Angèle Bonnemayre. Papa aura là un petit travail qui sera bientôt fait, la cérémonie se fera dans la plus grande intimité.
Toute la semaine, nous avons …une petite averse qui n’a pas fait de mal aux pommes de terre, quoique la pluie ne soit pas descendue bien profond. C’est moins intéressant pour les blés, qui n’auraient pas besoin d’être mouillés pour lier les gerbes. Aujourd’hui, il a fait un temps magnifique, c’est la …. Eugène est allé au Bézéric préparer pour sulfater demain, pendant que Papa moissonne l’avoine du Mas. Rien ne presse mais on fait les morceaux qui sont prêts et ce sera tant de gagné.
Nous avons eu hier deux lettres de Pierre, une du 26 et une du 28. Il va toujours bien et ne sait pas, à cette date, que la paix est signée, mais il espère être en France dans moins de trois mois. Il pourrait bien se tromper un peu mais peut-être pas de beaucoup puisque sa classe doit être libérée au 20 octobre. Je viens encore d’abandonner ma lettre pour recevoir Mr Marre, le professeur d’agriculture, avec un autre Mr. Comme ils voulaient trouver Papa, je leur ai indiqué le Mas et ils en ont pris la direction. Carlat sort de la tannerie et va faire quelques heures jusqu’à souper. Il se prépare à Millau des fêtes pour le 14 Juillet. Elles commencent le samedi soir et puis dimanche et lundi. Si le temps se maintient beau, il y aura sûrement beaucoup de monde. Je ne me rappelle pas si je t’ai dit que dimanche il y a une battue aux sangliers. Mr Blanc avait demandé du monde, car, chez lui, ils dévastent tout. De son côté, Mr Lubac avait le piqueur et la monte de Mr Fabry, de sorte que de deux battues on n’en a fait qu’une, mais sans succès. On n’a pas pu arriver à faire sortir les sangliers de dedans le fourré et, quoique les ayant très près, on n’ pas pu leur tirer parce qu’on ne les voyait pas.
Jean nous a écrit avant-hier. Il est un peu ennuyé pas ses galons mais il s’y fera ! Il compte aller défiler à Rouen pour le 14 juillet. Ce n’est pas Paris, mais il faudra s’en contenter.
Allons, mon cher Joseph, prenons patience malgré que nous languissions beaucoup et bientôt tu seras là ! Quel bonheur ce jour-là !
En attendant, je te quitte car sûrement je ne finirai pas ma lettre tranquille. Je suis seule, Louise ramasse la groseille. Quand tu viendras, nous aurons de la confiture, mais surtout de beaux canards prêts à manger.
Ta Maman qui t’embrasse de tout cœur.
Maria.