Famille Rascalou-Montéty

1916 : janvier

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

7 Décembre Janvier 1916

Bien chers Parents,

Je viens de recevoir votre lettre du 2 janvier, aussi je profite d’un moment libre pour vous répondre. Ici, de la guerre il n’y a pas grand chose à signaler. Il y a quelques jours les Boches ont bombardé la ville et il y a eu commes toujours des enfants et des femmes de tuées ou blessées. Nos tranchées sont aussi bombardées plus souvent, presque chaque jour il faut aller dans l’abri de bombardement. Ils tirent surtout aux endroits où sont les lance-torpilles, car depuis quelques jours ont leur en envoi qui pèse plus de 50 kilos. L’autre jour pour cadeaux du nouvel an on leur a envoyé en quelques minutes cinq mille obus de tous calibres. Sûrement que quelqu’un en aura goûté.
Dans la nuit du premier de l’an on a entendu quelques boches qui plantaient des piquets et ont leur a tiré quelques coups de fusil.
Il doit y en avoir eu un de blessé car il s’est mis à «gimgouler» et il a crié: «Sale Français ! Capout, Capout ! ».
Une autre nuit ont en a entendu deux qui se disputaient, et ça avait l’air de chauffer. Ont leur a tiré plusieurs salves et ça les a mis d’accord ont n’a plus rien entendu.
Aujourd’hui on vient de me donner le pistolet automatique genre de browwning, c’est une bonne arme très dangereuse, qui me servira surtout en patrouille; ou pour nettoyer les boyaux en cas d’attaque. Je n’ai pas reçu de poignard mes camarades en ont un. Nous sommes 3 par compagnie qui avons cet armement en plus.
L’autre jour on ma échangé ma capote, ainsi j’en ai une neuve dernier modèle elle est mieux faite que l’autre qui avait été donnée a demi achevée et en mauvais drap pour remplacer la capote bleue; nous avons touché une deuxième paires de brodequins neufs et une couverture. Dans les cantonnements nous avons des lampes à pétrole et à acétylène et des poêles. Ce qui fait qu’on n’est pas trop mal. Il fait un temps exceptionnellement doux on se croirait au mois de mai.
Nous devions aller passer quelques jours de repos à l’arrière mais il paraît qu’il y a contre-ordre et qu’on va revenir aux tranchées.
J’ai reçu des nouvelles de Pierre et je lui ai répondu chaque fois. Je ne sais pas s’il ne me donne pas bien son adresse mais la dernière lettre que je lui ai envoyée m’est retournée avec la mention «Adresse incomplète». Aussi il trouve que je ne lui écris pas souvent, ce n’est pas étonnant si mes lettres ne lui arrivent pas. Pourtant les vôtres lui arrivent bien il faudra que vous me donniez son adresse et la bonne !
J’ai reçu la lettre de Papa contenant les 10 fr. ainsi que la carte de Jean.
Dans quel régiment se trouve Pineau si on est si près on pourrait peut-être se voir. S’il est là où a été le 58è il doit vous avoir parlé des pays où je suis passé.
Pour les permissions il n’y a ici rien de changé ça va tout doucement.
Pour le moment je n’ai plus rien d’intéressant à vous dire, en attendant d’autres nouvelles je vous embrasse de tout mon cœur.

Joseph

Lettre de Monsieur le CURE d'Aguessac à JOSEPH

Aguessac le 9 – 1 – 16

Bien cher Joseph,

Je viens de recevoir votre bonne et touchante lettre me racontant la célébration de la messe de minuit dans une cave. Avec quel amour a du vous regarder Jésus ! N’étiez-vous pas là avec la même foi que les bergers et ce lieu ne ressemblait-il pas à l’étable de Bethléem ! Sans doute ce n’était pas la joie du pays, mais Jésus a certainement mis dans votre cœur un rayon de cette lumière surnaturelle qui console et fortifie. Vos souffrances sont innombrables, supportez-les bien chrétiennement, offrez-les à Dieu chaque jour pour vous, pour les vôtres, pour la France, c’est pour elle que vous souffrez et ces douleurs auront autant de poids auprès de Dieu que la force des armes. Vous avez plus de mérite en souffrant en chrétien que si vous étiez trapiste ou chartreux. Ayez toujours des pensées surnaturelles et vous ferez une riche moisson.
Ici nous avons eu une très belle fête. Jamais je n’avais vu à Noël tant d’hommes à la Ste Table. Tous les jeunes sont venus. Mercredi dernier c’était la messe de départ des conscrits. On a chanté, communié, beaucoup de personnes les ont accompagnés à la Sainte Table. Ils partent pleins d’entrain. Si la France officielle voulait se tourner du côté de Dieu nous verrions bientôt la fin de nos maux. Prions pour leursa conversion.
Bonne et heureuse année. Que le bon Dieu et la bonne Vierge vous gardent, que St Joseph vous protège.
Vous nous reviendrez avec de plus fortes convictions religieuses. Vous contribuerez à refaire cette paroisse d’Aguessac dans le bien. Je prie chaque jour pour vous.
Votre pasteur et frère en J.C. qui vous embrasse.

C. Fabre
Aguessac Aveyron

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

22 Janvier 1916

Bien chers Parents,

Je suis toujours en bonne santé, et ce n’est pas pour cause de maladie que je me suis mis en retard pour vous donner de mes nouvelles. C’est en renvoyant au lendemain, pour une cause ou pour une autre on n’écrit pas et les jours passent, s'en qu’on y fasse attention. Avant-hier j’ai vu Jean Collière nous avons passé un moment ensemble. Lui aussi est en bonne santé, et a l’air bien content il languit beaucoup de venir en permission. J’ai vu aussi Rivière de Millau, il va venir en permission probablement fin janvier, il doit partir au premier convoi. Carbasse de Rivière doit être venu vous voir, je regrette de ne pas l’avoir vu avant son départ.
Petit à petit mon tour s’approche mais il faut encore attendre.
Les permissionnaires qui viennent à Aguessac combien de jours restent-ils exactement. A quelle heure est le premier train de voyageurs. En général de côté passent-ils par Tarascon, Montpellier ou bien par Nevers, Clermont. Je tâcherai de passer par cette dernière ligne et de m’arrêter à Riom. Le chef de gare est-ce toujours le même.
J’ai besoin de tous ces renseignements pour n’être pas surpris et pour que je puisse prendre mes dispositions pour profiter le mieux de la permission. Il est vrai que Carbasse me renseignera, mais en soyant aux tranchées on ne pourra pas peut-être se voir.
J’ai reçu des nouvelles de Paul Rendu, et de Gustave. Charles m’a écrit il y a quelques jours, tous sont bien contents d’être venus au pays mais ils trouvent que ça été vite passé.
Il y a quelques jours que je n’ai pas écrit à Mme Blin, je vais le faire le plus tôt possible.
Depuis hier nous ne sommes plus au repos et dans quelques jours nous allons aller aux tranchées, nous avons toujours le même temps doux et pluvieux. Il ne fait froid que lorsque le vent du nord souffle ce qui arrive rarement.
A bientôt le bonheur de nous revoir en attendant je vous embrasse de tout mon cœur.
Joseph

Si une autre fois je tarde un peu à vous écrire, ne vous inquiétez pas c’est parce que je suis très occupé et que je ne suis pas au danger.

1916 : février

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

4 Février 1916

Bien chers Parents,

Depuis 9 jours je suis aux tranchées, aussi je n’ai pu voir Carbasse à son retour de permission. Probablement je le verrai demain, après la relève. Hier aux tranchées j’ai vu Jean Collière, il est en première ligne, il était descendu en 2è ligne pour faire quelque chose, et il en a profité pour venir me voir.
Pour Jean le tour de permission s’approche nous ne partirons pas peut-être ensemble, mais nous pourrions nous rencontrer au pays. Je ne sais pas au juste à quel convoi je partirai et je ne puis pas encore vous dire le jour probable de mon arrivée. Il part un convoi tous les 10 ou 12 jours pour chaque compagnie.
Nous avons passé les derniers 6 jours de tranchées sur une ligne de chemin de fer. La voie passait dans une tranchée comme celle des Capounes. Nos abris étaient creusés au pied du talus ce qui fait que nous avions 10 ou 12 m. de terre sur la tête. Aussi on avait rien à craindre des obus. Au moment ou je vous écris je suis en 2è ligne, on n’y est pas trop mal. De temps en temps il tombe quelques marmites.
Nous travaillons toujours à l’aménagement et à la fortification de nos positions. Nous faisons toujours des tranchées des boyaux des abris etc. tout notre temps jour et nuit est bien employé.
Au repos aussi nous sommes très ocupés nous allons tous les jours à l’exercice, on se croirait à la caserne. Nous faisons des travaux et aménagements particuliers contre les gaz asphyxiants. Je ne crois pas que les boches aient guère de succès s’ils venaient à nous en envoyer car nous avons tout ce qu’il nous faut pour nous en préserver. On nous a donné de bons masques et de bonnes lunettes. Les civils en ont aussi. Je tâcherai d’en porter un en venant en permission. Je suis un peu pressé car il me faut aller prendre la faction.
Toujours en bonne santé, en attendant de vos nouvelles je vous embrasse de tout mon cœur.
Joseph

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

16 Février 1916

Bien chers Parents

Je crois qu’à force d’attendre mon tour de venir en permission viendra, et j’espère bientôt avoir le bonheur d’être au milieu de vous pour quelques jours.
On vient de me faire appeler aujourd’hui au bureau pour fournir les indications nécessaires pour établir ma permission. Je crois probablement partir des tranchées vers le 24 ou 25 février, mais il faut que tout aille bien. Je n’ai pas encore pu voir Carbasse, ni Rivière car les compagnies du bataillon ne marchent plus ensemble, et il est difficile de se rencontrer. Je ne sais pas si le voyage sera bien long, je n’ai pas encore décidé quelle voie je prendrai. J’ai envie de descendre par Lyon Tarascon Montpellier et retourner par Nevers et Paris. Dans tous les cas on passe à Paris et on s’y arrête quelques heures. Si les frères d’Augustine étaient avertis je pourrais les voir s’ils venaient m’attendre à la gare de l’Est et ils pourraient me faire visiter Paris, dans se qu’il y a de plus intéressant à voir pour le peu de temps que on dispose. Je pourrais aussi voir Jean Raynal, Pineau l’a vu à son passage à la capitale.
Je ferai mon possible pour m’arrêter à Riom, pour aller dire bonjour à mon oncle et à ma tante ce qui leur fera plaisir.
En cours de route je vous enverrai une dépêche pour vous prévenir,car je sera presque sûr que je viens, car tans qu’on n’est pas dans le train on n’est pas sur de partir.
Je suis actuellement au repos pour 6 jours, et c’est des tranchées que je partirai pour la permission.
Dans les derniers jours de tranchées j’ai fait 3 patrouilles. Je suis toujours volontaire pour faire ces promenades qui souvent ne manquent pas d’être émotionnantes. Samedi dernier je faisais partie d’une patrouille de 16 hommes commandées par un lieutenant. Un brancardier faisait partie de l’expédition, c’est à dire que l’on n'espérait pas que tout le monde puisse revenir sur ses jambes. On avait la mission de recueillir quelques petits renseignements sur l’ennemi et si l’occasion s’en présentait de faire un ou plusieurs prisonniers. A 600 m de notre tranchées nous étions couchés dans l’herbe sèche, il faisait clair de lune, et on se disposait à faire un autre bond, tout à coup nous avons entendu le cris d’une chouette, puis une deuxième, puis trois jusqu’à 12 qui se répondaient et puis le silence.
Ces chouettes ou ces hiboux surpris par notre arrivée, c’étaient des Boches. Une patrouille allemande était à 30 mètres devant nous, en embuscade, quelques pas de plus et la lutte s’engageait. On est resté 30 minutes dans cette position le doigt sur la gâchette; j’ai vu la silhouette de deux boches qui tâchaient de nous découvrir. Après avoir apris ce que nous voulions savoir sur les boches nous sommes rentrés car étant éventés on ne pouvait aller plus loin sans risquer des pertes inutiles. Les boches qui avaient tous les avantages de la position, n’ont pas osé nous attaquer; et ils étaient plus nombreux que nous. Dans quelques jours je vous raconterai de vive voix ces petites promenades dans la nuit, c’est très intéressant.
Je crois que demain nous allons être vaccinés avec un nouveau sérum, nous serons exsempt de service pendant 3 jours.
A bientôt de vos nouvelles et le bonheur d’être au milieu de vous en attendant je vous embrasse de tout mon cœur.
Joseph

1916 : mars

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

Mercredi 9 Mars 1916

Bien chers Parents,

Me voilà au milieu de mes camarades je les ai retrouvés tous en bonne santé. Je suis arrivé mardi soir à 10 heures, comme ma compagnie était en première ligne je n’ai pu la rejoindre que ce matin. Sitôt arrivé j’ai vu Carrière et je lui ai remis le paquet que son père m’avait donné pour lui et nous avons déjeuné ensemble. Il va bientôt venir en permission. Conduché était à l’infirmerie du régiment ce qui fait que je n’ai pas pu le voir car je n’avais pas grand temps de libre. Alors j’ai laissé son paquet et sa commission à Carrière qui le lui fera parvenir dans la journée car étant au repos il est plus commode, puis les deux compagnies sont logées ensemble.
Presque pendant tout le temps du voyage j’ai eu le mauvais temps et la neige. A partir de Quézaguet c’était tout blanc jusqu’au-dessus de St Flour. Du côté de St Chély il y en avait plus de 30 centimètres. Ca un peu retardé les trains aussi lorsque je suis arrivé à Clermont, l’express qui m’aurait conduit à St G. des Fossés a été parti. J’ai du attendre à 5 heures le lendemain matin pour repartir. A Riom, Tonton était venu à la gare pour m’attendre. La veille il était venu à Clermont afin que nous puissions nous voir un peu plus longtemps, au cas où je n’aurais pas pu m’arrêter à Riom. Si je n’avais pas manqué ce train j’aurais pu rester 24 heures et il a fallu ce contenter de la journée, et je suis reparti à 10 h du soir. Tonton et Tata ont été bien contents de me voir, ils voulaient me garder une journée de plus.
Tonton m’a fait visiter ses bureaux et son entrepôt de tabac, puis Tata m’a fait voir toute la maison. Ils sont très bien installés la maison est toute neuve et tout y est bien disposé.
Après dîner je suis allé avec Tata faire une petite promenade en ville, et le soir Tonton m’a fait voir la manufacture de tabac de Riom. A 10 heures je repartais pour prendre l’express de Paris. Après m’être renseigné sur la marche des trains j’ai vu que je ne pouvais pas voir les frères d’Augustine car on m’a obligé à prendre un train de permissionnaires à St G. des Fossés qui m’a conduit directement à la gare de l’Est où je suis arrivé à 11h et demi pour repartir à 1 heure.
Je suis arrivé en règle et sans retard j’aurais pu à la rigueur rester un jour de plus à Aguessac, et ne pas m’arrêter à Riom, n'y manquer le train à Clermont. Enfin tout c’est bien passé.
Si Jean Collière n’est pas parti il peut en partant à midi d’Aguessac arriver le lendemain à 11h. et demi à Paris, et le soir à Muizon. Il peur arriver à Clermont vers 10h. et demi au soir et prendre l’express de Paris qui part vers 11h. et qui le conduira à St G. d’où à minuit 48 part un train de permissionnaires qui va jusqu’à Corbeil là il change de train et va jusqu’à Paris Est. Le plus important est d’arriver à temps à Clermont pour l’express sinon il est obligé d’attendre au lendemain à St G.
Ici le secteur est toujours tranquille, je n’ai pas trouvé grand-chose de changé. Demain matin je payerai la «gnole» aux copains et je vous dirai s’ils l’ont trouvée bonne. Tonton m’a donné une boîte de cigares ninas pour offrir aux camarades. Il m’a donné aussi une étrenne. En attendant de vous donner d’autres nouvelles je vous embrasse de tout mon cœur.
Le bonjour aux amis et aux voisins.
Joseph

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS, le 10 mars

10 février[note] 1916

Bien chers Parents,
Je suis de nouveau habitué à la vie de tranchée. Je n’ai pas eu du tout le cafard, il est vrai qu’on a ici tout ce qu’il faut pour le faire passer.
Ce soir la neige tombe c’est déjà tout blanc, il va falloir revenir au petit poste où l’on n’aura pas bien chaud.
Nous venons d’avoir la visite de Mr l’Aumônier, il ne craint pas la neige et la boue pour venir en première ligne à 500 m des boches. Il est passé dans tous les abris pour voir tout le monde. Et tout le monde le voit avec plaisir.
J’ai rencontré de nouveau Carrière et il m’a dit qu’il avait vu Conduché et qu’il lui avait tout remis.
A bientôt d’autres nouvelles.
Les camarades ont fait honneur à la gnole ils l’ont trouvé excellente.
Joseph

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

14 Mars 1916

Bien chers Parents

Après la neige et la beau tempspluie, voilà le beau temps qui revient. Il fait aujourd’hui une journée magnifique. Les arbres ne tarderont pas sans doute à verdir. J’ai déjà vu ici quelques arbres en fleurs. Ce beau temps est surtout favorable aux aéroplanes qui sillonnent le ciel du soir au matin. Les nôtres sortent beaucoup, quelques boches essayent de passer nos lignes mais ils sont vigoureusement canonnés par nos 75 qui les oblige à faire demi-tour. De temps en temps on entend dans les airs le tac-tac-tac de la mitrailleuse, mais on ne voit pas d’engagements bien sérieux. Les ballons captifs [note] sont souvent en l’air tant chez nous que chez eux.
On vient de me donner l’indemnité de voyage pour la permission j’ai touché 7 francs 60 pour 6 jours de trajet à 1 f. 27 par jour, plus les 3 francs de prêt de mes douzes jours d’absence. Tout cela fait bien plaisir à recevoir.
Ce soir nous allons au cinéma on vient d’installer un appareil pour nous distraire un peu pendant les journées de repos. Je n’y suis pas encore allé aussi je ne sais pas ce que ca sera.
Demain nous subir la 2è piqûre de la vaccination, j’espère qu’elle ne m’éprouvera pas plus que la première fois et que je pourrais passer 3 jours bien tranquilles. Il y a des camarades qui ont le 96è soit ici ou dans les environs, moi je n’ai vu encore personne de ce régiment, pourtant on rôde toujours d’un côté ou de l’autre.
Lorsque je suis monté dans le train à Aguessac, dans le compartiment où j’étais il y avait deux demoiselles du côté de Rodez et un soldat. Naturellement on s’est mis à parler de la guerre et du petit de Lenne. Or le soldat qui était là était un oncle de cet enfant; et il nous a affirmé que tout ce qu’avait dit le petit s’était réalisé. Il dit à son oncle qu’il ne reviendrait pas sur le front, or son oncle vient d’être versé dans l’auxiliaire et reste au dépôt. Il avait dit aussi que la guerre était finie seulement je me suis aperçu moi-même qu’ici ce n’était pas encore fini.
(Mercredi 15) Hier je n’ai pas eu le temps de finir ma lettre car je suis allé au cinéma jusqu’à 5 du soir, et à 7 je partais au travail pour rentrer à 10 heures. Ce matin on nous a fait la 2è piqûre, ça ne me fais pas encore mal. La dose de vaccin a été moins forte que la première fois.
Je viens de recevoir une carte de Gustave il me dit que ça bombarde beaucoup dans son secteur. Paul m’a aussi écrit il avait bien peur d’aller du côté de Verdun. Il paraît que notre colonel a demandé à aller avec son régiment, à la bataille de Verdun. Il doit faire besoin ici car on l’y maintient. L’artillerie allemande est presque muette depuis quelques jours. Ont-ils enlevé leur canons ? Ou préparent-ils quelque chose ?
Nous nous intéressons beaucoup aux attaques allemandes du côté de la rive gauche de la Meuse. Car ayant occupé ce secteur plus de 4 mois nous le connaissons à fond. J’ai aidé à faire tous les travaux de défense qui en ce moment-ci arrêtent l’ennemi. Nous avons bon espoir dans cette bataille qui se livre.
Nous espérons que le printemps qui arrive amènera avec lui les beaux jours de victoire et de paix que nous souhaitons tous.
A bientôt d’autres nouvelles.
Joseph

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

Vendredi 24 Mars 1916

Chers Parents,
Ce matin nous avons la pluie aussi on ne peut pas à l’exercice. Le temps s’est un peu rafraîchi et nous avons tantot la pluie tantot le soleil.
Avant-hier j’ai reçu le colis, il a du souffrir en route car le fromage était écrasé et la cuisse du lièvre était toute moisie et je n’ai pas pu la profiter entièrement il n’y avait que le dedans de bon. Le fromage a été quand même excellent. Il doit sans doute commencer à faire trop chaud, et si les paquets restent trop longtemps en route ils risquent de se gâter. Pour le moment nous sommes dans un petit village. Tous les jours nous ramassons de la salade; dans celle que nous avons fait hier il y avait des «répounchous» et une autre qualité très amère, et c’était si dur et si amer qu’on avait peine à la manger, mais on l’a achevée quand même. Pour avoir bientôt fait on ramasse les pissenlits les plus gros même qu’il y ai les fleurs sa ne fait rien.
Avez-vous des nouvelles de ceux qui sont du côté de Malancourt, ça barde de côté, ces pauvres boches en veulent bien à ce mort homme, il est vrai que c’est une belle position mais l’hiver dernier nous l’avons si bien fortifié qu’ils ne le prendront pas et si par cas ils y arrivent ça leur coûtera très cher et ils seront encore loin de Verdun. Les attaques commencent un peu à ralentir, mais ce n’est pas à dire que se soit encore fini. Le Kaiser tentera sans doute un deuxième effort, qui ne réussira pas mieux que le premier, il faut du moins l’espérer.
Les Russes de leur côté on l’air de faire du bon travail, il faut espérer qu’ils continueront, surtout à présent que le beau temps va arriver.
Dans la grange où je couche il y a des courants d’air aussi la nuit dernière j’ai du prendre froid car je suis un peu enrhumé.
Le rhume de cerveau que j’avais à la maison m’a passé sitôt être monté dans le train, il m’a repris un peu à Riom, mais puis ça été fini. Coucher par terre ou sur un peu de paille, et tout habillé ça doit être hygiénique. Lorsqu’on y est habitué on est aussi bien que dans un lit, surtout si on n’est pas trop difficile.
A bientôt d’autres nouvelles.
Joseph

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

27 Mars 1916 Lundi

Bien chers Parents,

Hier matin, dimanche j’ai eu la visite de Carrière. Il arrivait juste de permission, comme le régiment a changé de place il a eu un peu de peine à retrouver sa compagnie, surtout qu’elle était détachée du bataillon et logée dans le même village que la mienne.
Il m’a remis le flacon de gnole et m’a apporté de bonnes nouvelles du pays. Comme il était un peu fatigué du voyage il a dormi toute la journée, et puis le soir nous sommes allé boire un litre.
Il m’a donné aussi des nouvelles de Jean Collière.
Hier notre capitaine nous a fait ses adieux car il nous quitte. Il vient d’être nommé capitaine adjudant major auprès du commandant du 2è bataillon. Il sera regretté à la compagnie car tous ses soldats l’estimaient. Son successeur est un gentil petit lieutenant qui a l’air de bien s’entendre pour commander une compagnie. Il faut espérer que nous n’aurons pas beaucoup perdu au change.
Ce matin nous sommes allés travailler au nettoyage et à l’entretien des tranchées de 2è position. Pendant que nous étions au travail les boches envoyaient des obus sur la ville. Nous en étions à 6 kilomètres et on voyait bien la fumée des marmites qui éclataient. Tout à coup nous avons vu un gros nuage noir qui s’élevait au-dessus des maisons et qui prenait de grandes dimensions.
Un incendie venait d’éclater provoqué sans doute par un obus incendiaire. En moins de quelques minutes une immense colonne de fumée s’élevait et se répandait sur la ville; on apercevait même les flammes, surtout lorsqu’il faisait un peu de vent. L’incendie a commencé ce matin vers 9 heures et encore à présent, il est 3 heures, on voit la fumée, mais moins que ce matin. Nous attendons que quelqu’un vienne de Reims pour avoir des nouvelles de ce qui s’est passé.
Le colonel nous a appris qu’une de ces maisons à Verdun vient d’être incendiée lors des derniers bombardements de cette ville.
Nous sommes toujours au repos. Nous nous attendons à revenir sous peu aux tranchées, mais nous ne savons pas encore où. Peut-être que nous reviendrons là où nous étions.
On remarque ici beaucoup de mouvement et l’on craint qu’il se passe quelque chose de nouveau d’ici quelques jours. Mais on ne peut rien assurer. Souvent on prévoit qu’il va faire soleil, et puis c’est la pluie qui tombe.
Quoiqu’il arrive nous serons prés à nous défendre si nous sommes attaqués et nous saurons nous battre si nous attaquons.
Je reçois à l’instant votre carte du 24. Pierre ne m’a pas écrit de quelques jours je lui écrit 2 lettres la semaine dernière. Je vais se soir lui écrire une carte.
Je suis toujours en bonne santé et j’ai toujours bon courage, et j’espère que vous en êtes tous de même.
Toujours courage et confiance et nous triompherons.
Je vous embrasse de tout mon cœur.
Joseph.

Avant-hier matin nous avons été réveillés un peu brusquement par l’éclatement de deux bombes. C’était un avion boche qui venait de lancer 4 bombes sur l’emplacement d’un ballon captif. Comme le ballon n’était pas là il en a été pour ses frais, 2 bombes n’ont pas éclaté.

Je viens de voir Calmes, le cousin de Jean, il trouve que Jean met bien du temps pour lui donner de ses nouvelles. Il va venir bientôt en permission.

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

30 Mars 1916

Bien chers Parents,

Nous avons eu aujourd’hui une journée magnifique. Aussi nous sommes allé travailler tout le jour à la construction de tranchées en 2è position. Le matin il y avait de la gelée blanche et pour aller au chantier on n’avait pas bien chaud. Mais dès que le soleil a été levé ça s’est mis à chauffer, si bien qu’il a fallu quitter la capote et la veste.
Ca été aussi une grande journée d’aviation, j’ai assisté à un combat aérien. Un avion boche voulait passer nos lignes, il a rencontré un des nôtres qui la reçu à coups de mitrailleuses, après 10 minutes de combat le boche s’est enfui dans ses lignes. Une heure après un autre venait peut-être le même, et malgré une violente canonade de notre part réussissait à passer; il rencontra encore un de nos avions et s'en engager de combat il fit demi-tour, et partit. Nos avions ont tenu l’air tout le jour, guettant et montant bien la garde.
Souvent nos avions passent très bas, l’on voit bien les aviateurs et l’on se fait bonjour. D’autres fois ils passent si haut qu’on a peine à les voir.
Malgré ce beau temps on n’entend pas de canonade, ce qui n’empêche pas que jour et nuit on entend toujours quelques coup de canon tirés un peu de tous les côtés.
On vient de nous donner un nouveau masque contre les gaz. Il est un peu plus grand que l’autre car les lunettes et le masque ne font qu’un. Il est enfermé dans une boîte métallique ce qui le garantit contre le mauvais temps.
Les cultivateurs sèment l’avoine et mettent des engrais sur les blés qui sont bien sortis et sont bien jolis. Lorsqu’il pleut ils dépiquent dans leurs granges, il y a encore beaucoup de gerbiers dehors.
Le dernier bombardement de la ville a fait beaucoup de victimes surtout parmi les civils. Dans une seule rue particulièrement visée il y est tombé 30 obus. Une femme a été tuée avec son bébé pendant qu’elle lui donnait à boire devant la porte de la maison. Je n’ai pas eu de détails sur l’incendie de l’autre jour.
On se plaint ici que les lettres n’arrivent pas très vite. Les nôtres vous arrivent elles régulièrement ?
Je ne vois plus rien à signaler, tout est assez calme.
Toujours bonne santé et bon courage.
A bientôt d’autres nouvelles.
Joseph

1916 : avril

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

Mercredi 12 mars[note] 1916 (Tranchée)

Bien chers Parents,

Depuis cinq jours, je suis aux tranchées, en 2è ligne, et demain au soir je monte pour 6 jours en 1ère ligne. Dans ce secteur-ci ça barde un peu plus. Avant-hier matin les Boches nous ont servi un bombardement d’importance. Ils ont commencé à lancer des torpilles à 4 heures du matin sur un front de 200 mètres de première ligne. Ils ont continué avec les 105, les 150 etc. si bien qu’à 10 heures le bombardement venait inquiétant et au lieu de se calmer ils paraissaient activer la canonnade. Vers midi se fut le plus fort les 150 et les 210 arrivaient par 3 et par 6. Ca tombait tout au même endroit, la tranchée ne se voyait plus tant la fumée était épaisse. A voir un bombardement pareil on s’attendait à une attaque aussi d’instinct sans qu’on nous le dise nous avons approvisionné et chargé nos fusils et mis en tenue prêts à partir au secours de la 1ère ligne. Puis tout d’un coup ça s’est arrêté, on n’entendait plus rien. Et ça été le tour à notre artillerie à bombarder les tranchées boches, ça a duré toute la soirée, et il n’y a pas eu d’attaque on en a été quittes pour la peur. Nous avons eu 2 tués et quelques blessés. La journée d’hier a été calme. Ce matin au lever du jour et encore au moment où j’écris nous envoyons des torpilles sur les tranchées ennemies.
Hier j’ai vu Calmes du Cluzel il m’a dit qu’il allait venir en permission dans quelques jours. Il tachera de venir vous donner de mes nouvelles s’il monte à Compeyre.
Le deuxième tour de permissions va bientôt commencer, je ne sais pas encore comment ça marchera ça serait à souhaiter que ça marche mieux que le premier.
Il y a 3 ou 4 jours j’ai reçu une carte de Pierre et il s’étonne que je n’ai pas reçu plus souvent de ses nouvelles, car il m’a écrit assez souvent. Il est toujours en bonne santé c’est l’essentiel.
On trouve que les lettres n’arrivent pas trop régulièrement, je n’en ai pas reçu depuis quelques jours, les miennes vous arrivent-elles sans retard ?
En attendant de vos nouvelles je vous embrasse de tout mon cœur.
Joseph

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

Dimanche 16 Avril 1916
Départ Jeudi 20 Avril

Bien chers Parents

Nous ne sommes restés que huit jours aux tranchées nous avons été relevés hier soir.
L’autre jour j’ai reçu le colis que vous avez donné à Jean. Je ne savais pas d’où il venait (pas Jean, le colis) il n’y avait pas de timbres, et personne ne savait qui l’avait donné. C’est le cuisinier de la compagnie qui me l’a remis en me disant : on ma dit de te donner ça, il n’en savait pas plus long. C’est le lendemain que j’ai reçu votre carte qui me disait que vous l’aviez donné à Jean. Je crois que son bataillon est aux tranchées, aussi nous ne pourrons pas nous de quelques jours.
Je viens de recevoir une carte de Pierre il me donne de bonnes nouvelles il me dit aussi qu’il fait mauvais temps, ce doit être général car ici, nous avons aussi de mauvaises giboulées qui ne sont pas bien agréables. Hier à 10 heures il faisait une averse de neige et de grêle et à midi il faisait un soleil magnifique !
(Jeudi)
Nous venons d’être vaccinés pour la 3è fois. J’ai bien supporté les effets de la piqure mais c’est bien embétant d’avoir un bras sans pouvoir s’en servir de deux jours.
Lundi dernier nous sommes allés faire des tranchées dans un grand jardin, la tranchée que nous creusions passait juste au milieu d’un carré de scorsonère
[note] et nous en avons porté pour faire cuire. C’est un camarade de l’escouade qui les a préparées. Elles été excellente. Il y avait bien longtemps qu’on n’en avait pas mangé.
Demain nous remontons aux tranchées, comme nous relevons le bataillon de Jean Collière je pourrai peut-être le rencontrer. Cette fois-ci nous resterons un mois aux tranchées soit en 1ère ligne en 2ème ou en réserve.
Ce matin j’ai fait un colis que j’ai fait partir. J’y ai mis un tricot et une ceinture bleue, avec un numéro du bulletin des armées journal officiel du front. J’ai payé 12 sous pour le port il arrivera par la gare.
On vient de nous donner plus d’un kilos de vivres de réserve, soit en biscuits, conserve, chocolat etc et tout ça augmente le poids du sac aussi il faut enlever tout ce qui n’est pas utile.
Avant-hier j’ai reçu une carte de Ch.Caylus. En attendant de vos nouvelles je vous embrasse de tout mon coeur.
Joseph

1916 : mai

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

2 Mai 1916

Bien chers Parents,

On vient de quitter subitement les tranchées pour aller en réserve dans un village, à proximité des tranchées. Le village est à demi démoli, il n’y reste que quelques habitants. Il y a aussi quelques épiceries et un bureau de tabac où l’on trouve tout ce que l’on veut. Il y a même le marchand de vins et tous font de bonnes affaires.
Nous sommes toujours employés aux travaux de terrassements.
Sur les journaux on voit souvent, Des canons ! des munitions ! nous nous disons : des tranchées ! des boyaux ! des fils de fer !. Nous les faisons un peu en arrière pour pouvoir amener des renforts en cas de besoin, et pour avoir des positions en cas de repli. On nous donne le travail à la tâche. A deux on doit faire 2m. de long sur 90 de large et 1m30 de profondeur c’est le travail demandé à 2 hommes par jour on arrive souvent à le faire dans 2 ou 3 heures surtout lorsqu’on est dans du bon terrain qui ne soit pas trop dur.
Hier lundi j’ai vu passer une escadrille d’avions boches, je ne sais pas où ils devaient aller, ils ont été vigoureusement canonnés. Comme il y avait de gros nuages ils pouvaient se cacher. J’ai vu une dizaine d’avions un de mes camarades en a compté 14.
Presque tous les jours on voit quelques combats aériens mais on n’en voit pas descendre souvent.
L’autre jour un régiment voisin a fait deux prisonniers et au lieu d’être des boches ça été des autrichiens. Nous recevons aussi des obus autri. qui sont aussi mauvais que les boches.
Je n’ai pas encore Jean ni Calmes, n’ai eu des nouvelles d’Aguessac, un soldat qui venait de permission il est du Rozier. Il connaissait beaucoup de monde à Aguessac et surtout Victor et Paul Rendu. Comme nous avons fait connaissance à 9 heures du soir je ne sais pas si je le reconnaîtrai, et je ne me souviens plus de son nom.
Ici le printemps est tout à fait venu, les arbres sont en fleurs les champs verdissent et les oiseaux chantent jour et nuit, mais le canon tonne toujours, c’est toujours la guerre. Espérons que les beaux jours continueront et qu’il en viendra de plus beaux encore. Toujours patience et courage, travaillons et luttons, et surtout ayons confiance. L’épreuve est dure mais notre mérite sera plus grand. Que pendant ce printemps nous voyons notre pays libéré de l’ennemi envahisseur, que la victoire définitive viennent couronner nos efforts et nos succès. Et que la paix tant attendu vienne mettre fin à tous nos maux, nos misères et nos angoisses. Pour hâter la venue de ces heureux jours, avec le même patriotisme, le même entrain la même volonté de vaincre, le même esprit de sacrifice et d’abnégation luttons et combattons et nous vaincrons.
Dans cette heureuse attente je vous embrasse de tout mon cœur.
Joseph

Pendant les bombardements, surtout lorsque ça tombe dur et près on chante des chansons comme celle-ci :
C’est la valse des marmites
Attention, garde à vous
A chacune de leurs visites
On rigol' et on s’en f...
Allez-y messieurs les Boches
Faites cracher vos canons
Votre défaite est proche
Vos sal’ gueul’ nous les aurons.

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

7 Mai 1916

Bien chers Parents

Je viens de monter aux tranchées de 1ère ligne. La compagnie de Jean C. est à côté de la mienne aussi je pense qu’on pourra se voir.
Hier matin une reconnaissance faite pas des soldats du 2è B. du 58è a joué un sale tour aux boches. Pendant un bombardement fait à dessein et bien combiné, quelques poilus ont pénétré dans la tranchée boche. Sitôt entrés, ils n’ont trouvé que des morts, et en parcourant la tranchée ils ont rencontré «Polyte» qui avait abandonné son poste pour se mettre à l’abri. Dès qu’il a reconnu les Français il a pris son fusil pour faire feu sur eux, mais d’un bond 2 français ont été sur lui, et lui ont fait poser les armes, en lui mettant le révolver sous le nez. Alors il n’a pas insisté, il a sorti tout de suite la photo de sa femme et de ses enfants, ce qui voulait dire qu’on ne le tue pas. Les deux poilus l’ont attrapé par le fond des pantalons et l’ont monté sur la tranchée. Dans l’abri où il était de faction il y avait une douzaine de boches qui dormaient avant de partir un caporal a déchargé son révolver sur le tas et il est rentré en ramenant "polyte". Le tout s’est passé pendant trois minutes, ils ne devaient pas rester plus longtemps dans la tranchée. S’ils avaient eu une minute de plus il pouvaient emporter une mitrailleuse, qui était à côté et dont "polyte" avait la garde, seulement la peur des obus lui avait fait quitter son poste.
Je l’ai vu passer lorsqu’on le conduisait au général, il était petit et paraissait avoir plus de 30 ans, il était tout mal fichu, vieille capote qui lui arrivait jusqu’aux talons, bottes immenses, tête carrée, il ne lui manquait que les lunettes. C’est un Wurtembergeois. Il y a 2 jours ils avaient relevé les autrichiens.
Pierre m’a annoncé qu’il avait été versé au 75è. Je lui ai écrit hier.
Ici c’est toujours la même chose quelques bombardements de temps en temps mais on y est habitué depuis longtemps.
Je suis toujours en bonne santé, et j’espère que vous en êtes tous de même.
Je vous embrasse de tout mon cœur.
Joseph

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

18 Mai 1916 9 h du s.

Bien chers Parents

Hier j’ai reçu le colis d’asperges, et je les ai mangés aujourd’hui au souper. J’en ai invité toute l’escouade et je vous assure que les camarades y ont fait honneur. Car elles étaient excellentes et parfaitement conservées. C’est moi qui les ai fait cuire et je les ai bien réussies. Nous sommes toujours en réserve dans des abris souterrains, à 4 mètres sous terre. L’autre jour nous avons fait la relève en plein jour d’une tranchée à une autre et entre deux bombardements aussi elle a été un peu mouvementé. On s’en est encore assez bien tiré. Je viens de trouver une fusée d’obus autrichien elle doit être d’un 75 ou d’un 88, ce qui a c’est qu’elle est parfaitement conservée. J’ai aussi le culot d’un 77 avec sa ceinture de cuivre, je conserve tout ça et je tâcherai de vous le faire parvenir ça l’inconvénient d’être trop lourd. Je n’ai pas revu Jean Collière, son bataillon est au repos. Dans quelques jours, nous allons y aller et si on n’est pas trop loin on pourra se voir de nouveau.
En ce moment nous travaillons à côté d’une gare vous devez l’avoir sur une carte postale que j’ai portée en permission. Après quelques jours de pluie, il fait un temps magnifique, aussi on ne travaille que le matin et le soir.
J’ai eu l’occasion de me peser sue la bascule de la gare, je fais habillé sans capote n'y casque 68 k. au conseil de révision, j’en faisait 53. Vous voyez qu’à la guerre on ne maigrit pas. On nous a diminué les rations, mais on en a toujours suffisamment. Avant il y avait beaucoup de reste qui se périssaient et c’est pour éviter ce gaspillage qu’on a un peu diminué les rations.
En mettant quelques sous de ca poche on peut de temps en temps lorsqu’on peut faire d’excellents repas. Menu du dernier souper : soupe au choux et pain, ragoût de p. de t. Morue rôti avec vinaigre. P. de t. frites, Asperges, Cerises. Ce soir-là avec 2 sous chacun pour acheter l’huile, et le colis d’asperges, et un autre de cerises cela pouvait aller pour un repas de tranchée. Au village on se paye quelquefois une omelette ou autre chose. Il s’agit de bien s’entendre dans l’escouade et de se débrouiller, il ne faut pas attendre que les cailles rôties tombent du ciel.
A bientôt d’autres nouvelles.
Je vous embrasse de tout mon cœur.
Joseph

1916 : juin

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

4 Juin 1916

Bien chers Parents,

Je viens d’être relevé de première ligne pour aller en 2è et dans 6 jours nous irons au repos, et ce ne sera pas trop tot depuis le 21 avril que l’on est aux tranchées. J’ai vu Jean Collière et Calmes son cousin. Ils sont en bonne santé et m’ont dit de vous donner le bonjour. Le bataillon de Jean va au repos se soir et on pourra peut être se revoir dans 6 jours.
Les boches se sont un peu calmés ils se contentent de répondre à notre artillerie ou à nos "crapouillots".
La nuit dernière je les ai entendu chanter dans le bois qu’ils occupent en face nos tranchées, et le jour suivant ont a entendu leurs tambours et musique qui faisaient répétition. La nuit on entend très bien leur ravitaillement, on entend aboyer les chiens, hier matin, j’ai très bien entendu braire un âne. Lorsque le vent vient de chez eux ont distingue très bien tous ces bruits. Ce sont tous ces bruits et ceux du canon qui nous rappellent qu’il y a quelqu’un en face de nous. Car pour voir la moindre personne il n’y a rien à faire tout le monde se cache et ne sort de terre que la nuit.
Aujourd’hui le temps c’est un peu rafraîchi et il a plu un peu ce matin. La végétation a beaucoup poussée, les fils de fer disparaissent presque dans l’herbe. J’ai vu quelques vignes et elles ne sont pas trop mal; on sulfate à grand train. Mais il y en a beaucoup qui ne sont pas soignées, la main d’œuvre manque; les femmes travaillent beaucoup pour les biner, et charrier l’eau pour le sulfatage.
De voir la campagne si belle ça donne le cafard, alors qu’il faut rester à 4 ou 5 mètres sous terre, et qu’on ne peut sortir de la sans risquer de se faire casser la figure. On a quand même espoir que cela finisse bientôt, car on a l’impression que les boches jouent leur dernière partie devant Verdun.
On vient de nous annoncer la bataille navale qui vient de se livrer, et les attaques allemandes sur le front anglais et à Vaux. Lorsqu’il y a des nouvelles sensationnelles nous le savons avant que les journaux paraissent. C’est le grand quartier général qui nous les envoie. Les journaux de Paris arrivent à la tranchée vers 9 ou 10 heures. Aujourd’hui on languit qu’ils arrivent pour avoir des détails.
On commence à se demander si nous passerons l’hiver sur le front. Voilà 22 mois de passés et l’on ne voit pas que cela prenne une tournure. On parle beaucoup de l’offensive des Alliés, aura-t-elle lieu ? Les boches paraissent encore très forts, à moins qu’après le formidable effort qu’ils font ils ne soient à bout de souffle et cherchent à en finir au plus vite.
Pour si dure que soit l’épreuve ne perdons pas courage, et patientons toujours. La Providence veille sur nous et saura mettre fin à tout ça. Ayons toujours confiance, et souhaitons qu’une paix victorieuse vienne au plus tot mettre fin à ce terrible fléau.
En attendant cet heureux jours où nous reviendrons au milieu de vous je vous embrasse de tout mon cœur.
Joseph

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

10 Juin 1916

Bien chers Parents,

Nous voilà à la veille de la Pentecôte, nous ne passerons pas cette fête aux tranchées car nous venons d’être relevés. Nous sommes dans des baraquements en planches, à l’arrière. Et si demain le temps est beau nous aurons sans doute la messe en plein air; j’ai vu hier Mr l’aumônier au milieu du camp. J’ai bien peur qu’il pleuve car il a plu tout toujoursaujourd’hui et le temps reste pluvieux et froid.
Hier soir j’ai passé la soirée avec Jean Collière, et son cousin Calmes. Nous sommes allés nous promener dans la campagne. Se soir, nous irons voir si l’on voit Carrière et Caylus. J’ai reçu une carte de Charles et il me dit de lui donner le bonjour. J’ai reçu également une carte de Paul Rendu, j’ai demandé à Pierre l’adresse d’Henri Brouillet et il ne m’a pas encore répondu. Je pense qu’ils doivent être bien occupés de ce côté. Je ne sais pas exactement à quel endroit il est. Il y a quelques jours que je n’ai pas écrit à Gustave, mais je vais le faire le plus tôt possible. Ici il n’y a pas grand chose à signaler, c’est à peine si l’on entend le canon. Mais nous faisons les mêmes exercices, et préparatifs que nous faisions avant l’attaque de Champagne. Va t-il se passer quelque chose ? Je le crois.
J’ai entendu dire que notre offensive était déjà déclenchée sur plusieurs points de notre front. Si ça pouvait être pour de bon ce coup-ci, les Russes font du bon travail chez eux, et les autres chiens en prennent pour leur grade sur les deux fronts. A Verdun les boches ont encore du monde à sacrifier pour prendre quelques mètres de terrain. Je crois qu’à force de leur taper dessus on finira bien par les avoir car ils ne peuvent pas tenir éternellement. Voilà plus de vingt deux mois que ça dure, et on va tâcher de mettre fin à tout ça car tout le monde est fatigué de cette guerre, et personne n’a envi d’y passer un troisième hiver. Il faut espérer que, ce coup-ci nous aurons plus de chance, car nous serons plus forts et mieux organisés.
Les permissions viennent d’être suspendues, les permissionnaires de ma compagnie devaient partir avant hier, ils avaient mis le sac et le fusil à la voiture, et deux heures avant de partir, on leur a annoncé qu’ils ne partaient pas. Ce sont des contre-ordres qui ne font pas plaisir lorsqu’on les reçoit. Pour le moment je n’ai besoin de rien, on est toujours bien nourris et on peut s’approvisionner assez facilement. J’aurai peut-être besoin du colis dans quelques jours surtout si on nous fait marcher au «pastis» et que l’on soit comme l’an dernier en Champagne. Mais je vous l’écrirai. Comme vêtement je n’ai besoin de rien on touche suffisamment tout ce qu’il nous faut, soit en linge, chaussures, ou capotes et pantalons les effets d’équipement sont souvent remis à neuf. Il y aurait plutôt gaspillage que manque d’effet et de matériel.
Dans les tranchées on a tout le matériel nécessaire, pour l’aménagement des tranchées et la construction d’abris. Les fameux abris en ciment armés nous les avons. Tous nos abris sont à l’épreuve des 155 et 210. Jour et nuit des centaines d’autos camions portent tout ce matériel vers les tranchées. On fait toujours des travaux de fortification comme si la guerre ne devait jamais finir. Le bonjour aux amis et voisins.
Joseph.

J’avais oublié de vous dire, qu’après de durs combats et de sanglantes batailles, que nous livrions jour et nuit depuis bien longtemps, nous venons de remporter une grande victoire dont les journaux n’ont guère parlé : la victoire sur les poux. Nous les avons eus. La lutte continue sur les rats et les boches.
A bientôt de nouveaux succès.

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

18 Juin 1916 Lundi

Bien chers Parents

Il y a deux ou trois jours que j’ai reçu une lettre de Pierre, je l’attendais avec impatience car il y avait quelques jours que je n’avais rien reçu. Aussi c’est avec joie que j’ai appris qu’il était en bonne santé.
Je vais lui répondre aujourd’hui car nous sommes bien occupés nous aussi, et je conserve l’espoir de pouvoir le rencontrer. En ne soyant pas bien loin l’un de l’autre et que la chance nous favorise.
DimancheSamedi matin nous sommes arrivés au cantonnement vers 1 heure du matin après une marche de 28 kilom. a 11 j’étais de garde au poste de police et au même instant un avion français atterrissait à 1 200 m au village. L’aviateur a demandé 4 hommes pour garder son appareil, et j’ai été désigné pour y aller. C’était un grand appareil à deux moteurs une panne étant survenue à un, l’aviateur a été obligé de descendre un peu vite, et comme il a pu, il n’y a pas eu d’accident, ni rien de cassé. Il devait repartir le soir même, mais il n’a pas reçu le moteur de rechange et a du attendre au lendemain. Le parc d’aviation le plus rapproché venait d’être bombardé par quelques avions boches, et on n’a pu venir à son secours tout de suite. Alors on a monté la tente et on a couché dans un champ de luzerne qui venait d’être fauché.
Le lendemain des mécaniciens sont venus ont réparér l’appareil et à 3 h du soir, l’avion repartait. L’aviateur était un jeune homme de 22 ans, il avait la croix de guerre, et la médaille militaire, il venait de l’usine chercher l’avion pour le front. Il voyageait avait son mécanicien.
J’ai profité de l’occasion, et de la gracieusité de l’aviateur pour prendre une bonne leçon d’aviation, et je vous assure que cela m’a bien intéressé.
Nous suivons toujours les phases de la bataille de Verdun, surtout que cela va nous intéresser particulièrement.
Pour le moment nous sommes très occupés soyez sans inquiétude si vous ne recevez pas de mes nouvelles je ne pourrai pas toujours écrire et si quelques lettres s’égarent ou n’arrivent pas cela allonge toujours. Je ferai mon possible pour écrire le plus souvent ne serait-ce que deux mots. Je suis toujours en bonne santé et j’ai bon courage.
Plus que jamais courage et confiance.
Je vous embrasse de tout mon cœur.
Joseph

Je n’ai besoin de rien pour le moment. J’ai reçu des nouvelles de Riom.

J’ai il y a 2 jours, j'ai vu Jean, Calmes, Caylus, Carbasse, Carrière. Se soir on se verra encore.

Lettre de JOSEPH à son frère JEAN

23 Juin 1916

Bien cher Jean

Tu dois dire sans doute que je suis bien paresseux pour t’écrire à toi ainsi qu’à Eugène. Que veux-tu je n’y pense pas toujours, et quand j’y pense je n’ai pas toujours le temps. Je ne veux pas laisser passer la saint Jean sans te souhaiter une bonne fête.
Je suis toujours très occupé et ont n’a pas beaucoup de temps libre.
Hier je croyais bien rencontrer le régiment de Pierre, mais il n’en a pas été ainsi, j’ai vu quelques hommes du 415è qui fait brigade avec le 75. C’est une preuve qu’il ne devait pas être bien loin. Jean Collière m’a dit qu’il avait vu des permissionnaires du 75 comme on marchait en auto on n’a pas pu leur parler. Il peut bien se faire qu’en soyant dans le même secteur, ont arrive à se voir un jour ou l’autre. Sais-tu que je serais content de voir Pierre, depuis le temps qu’on ne sait pas vu. Surtout ici sur le champ de bataille. Je vois Jean Collière tous les soirs, nous sommes campés dans le même bois. Nos tentes sont à 5 ou 6 mètres l’une de l’autre, on n’avait jamais été si près l’un de l’autre. Jour et nuit sans interruption on entend le canon, une canonnade comme jamais je n’en avait entendu, ça tonne plus qu’en Champagne, pourtant là on envoyait quelque chose.
Il y a des moments ou ça tombe un peu moins, mais jamais ça ne s’arrête, quand ça se calme d’un côté ça redouble de l’autre.
Il y a toujours des avions en l’air surtout des avions de chasse, la nuit ne les empêche pas de voler, aussi on entend continuellement le ronflement des moteurs, on dirait un grand essaim d’abeilles qui vole au dessus de nous. Les ballons captifs se touchent presque.
C’est incroyable le matériel qui se trouve à l’arrière, les autos se comptent par mille, toutes les routes en sont pleines. Les obus de réserve sont empilés en plein champ on dirait des tas de betteraves.
Il se passe ici des choses que pour tant qu’on les décrive, pour tant qu’on les raconte, celui qui ne l’a pas vu ne s’en fera jamais une idée, ca dépasse l’imagination. Et en première ligne, c’est bien plus terrible encore, surtout aux relèves pour prendre position. Je n’y suis pas encore allé, mais je ne tarderai pas. C’est à peine s’il y a des tranchées, et on ne reçoit presque rien de l’arrière, la soupe ne peut arriver, en montant on doit porter des vivres et des munitions pour tout le temps qu’on reste à la tranchée.
A côté de nous il y a un camp de prisonniers boches, qui ont été pris récemment, ils font mauvaise figure et sont mal habillés, ils avouent qu’ils sont rationnés en allemagne, et que les vivres sont très cher. Ils trouvent que la guerre se fait longue, et en sont fatigués.
Je m’attends à monter en position d’un moment à l’autre aussi je ne pourrai pas écrire. Je te recommande cher Jean de bien prier pour moi, car dans ces heures de danger on a besoin du secours surnaturel. Je tâcherai de m’en tirer, tout en faisant m'ont devoir et à bientôt le bonheur du retour pour toujours.
En attendant le plaisir de te lire reçois les meilleurs baisers de ton frère.
Joseph

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

28 Juin 1916

Bien chers Parents,

Depuis quelques jours je suis au milieu des batteries qui depuis quatre mois tirent sans s’arrêter une seule minute. Jamais je n’aurai cru qu’il y eut tant de canons rassemblés dans un même secteur. Il faut voir et entendre ce qui se passe ici pour se faire une idée de ce que ç’est que le champ de bataille où se livre le plus grand combat de l’histoire.
J’ai passé le premier jour de tranchées dans une vieille tranchée, près des batteries avancées, nous n’avons pas été trop marmités, il fallait rester assis ou couché par terre sous peine de se faire voir et d’être bombardés. Le soir, j’ai été désigné pour aller chercher la soupe de l’escouade. Je suis parti à 10 h et demi et il a fallu attendre plus de deux heures que la cuisine roulante soit arrivée. Le conducteur s’était trompé de route, et était entré en collision avec un caisson d’artillerie qui avait cassé le timon. Tout ça retardait, et les obus tombaient toujours. Dès que je suisai été servi, je suis vite remonté à la tranchée et à ma grande surprise tout le monde était parti, il ne restait que mon sac et mon fusil. J’ai attendu que tous les hommes soient rentrés, il a fallu pour cela plus d’une heure, tant les obus nous gênaient. Personne ne savait où était la compagnie, et il commençait à faire jour. Après avoir assez discuté on s’est mis en route vers un fort où on croyait que la compagnie était. Après avoir fait cinq cents mètres, les boches ont fait un tir de barrage avec 105 fusant et il a fallu faire demi-tour en vitesse. Nous sommes revenus à la tranchée pour attendre la nuit, on ne risquait pas de mourir de faim, on avait le pain, vin, eau de vie, soupe, rata viande de toute la compagnie.
C’est là que j’ai vu passer 83 prisonniers qu’on venait de faire. Il paraît qu’ils n’ont pas opposé grande résistance, tant ils étaient abrutis par le bombardement. Il y avait un officier; il devait avoir faim car il a demandé du pain à plusieurs.
Dans la journée nous avons été bombardés et c’est à la faveur de l’épais nuage de fumée des obus que nous avons pu partir à la recherche de la compagnie. Après deux heures de marche nous sommes arrivés au fort saint michel et la compagnie y était.
Tous les camarades ont été contents de nous revoir car ils nous croyaient morts ou blessés. C’est avec plaisir aussi qu’ils ont vu qu’on portait le vin et la gnole. A présent nous sommes dans un petit fort où l’on travaille jour et nuit; on ne risque pas grand-chose tant qu’ils ne tirent pas des 305 ou des 420. Pendant que j’écris m'a lettre il tombe des 150 et des 210 à moins de 20 m. mais je suis à l’abri. Nos pièces tirent continuellement sans une seconde de répit aussi j’en ai les oreilles cassées tellement ça pette fort.
C’est rare qu’il se passe une journée ou une nuit sans qu’il y est attaque soit française ou boche.
J’ai reçu une carte de Pierre datée du 20 elle a mis 8 jours pour venir, je pense en avoir encore un de ces jours.
Je pense qu’on va rester encore quelques jours en position, vous pourriez m’envoyer un colis, car on ne trouve rien à acheter. L’on est toujours bien nourris, le ravitaillement court tant de dangers pour venir qu’on pourrait être privé de vivres un ou deux jours.
A bientôt d’autres nouvelles.
Toujours courage et confiance et nous aurons bientôt la fin de cette terrible guerre.
Je vous embrasse de tout mon cœur.
Joseph

1916 : juillet

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

5 Juillet 1916 6h du matin

Bien chers Parents

J’ai reçu hier votre lettre et le colis. Le paquet avait un peu souffert du voyage, mais rien n’était gâté. Le saucisson est excellent ainsi que le fromage. Je garde le paquet de cacao pour plus tard en cas qu’il me fasse besoin. Nous sommes dans le fort. On n’y est pas trop mal, n'y guère bien. Nous couchons sur des matelas de laine pleins de poux, 3 sur deux matelas et les lits ont 2 étages, ça fait qu’on est 6 par lit c’est un peu serré. C’est à peine s'y on voit le jour on ne sort de là que pour aller travailler dans un souterrain à 9 mètres sous terre. On travaille 4h. le jour et 4h. la nuit. Je ne dors guère plus de 4 heures par nuit je me couche à 2h. du matin et je me lève à six. Entre les heures de travail on nous apprend à nous servir de la mitrailleuse. On nous apprend ça pour pouvoir utiliser une mitrailleuse si par cas on en trouvait une abandonnée.
Ce qui nous gêne aussi c’est le manque d’eau. Nous n’avons droit qu’à un litre par jour et par homme. Les citernes et canalisations ont été crevées par les obus. Aussi on ne peut pas se laver, ni laver son linge. Figurez vous se qu’on doit être lorsqu’on a passé un mois comme ça. Nous sommes de nouveau complètement envahis par les poux. En première ligne la vie est bien plus terrible on n’a pas d’eau du tout, rien que celle que l’on peut recueillir avec la toile de tente lorsqu’il pleut. C’est à peine si l’on a des tranchées très petites, et presque tous les jours il faut attaquer, ou repousser une attaque allemande. Et ce bombardement continuel, tantôt intense tantôt lent, toujours l’artillerie tire la nôtre et la leur; les boches tirent beaucoup on tire 10 fois plus qu’eux. Du côté de Thiaumont on se bat beaucoup, j’en suis à trois kilomètres et l’on sait tout ce qui s’y passe.
Je crois que le bataillon de Jean vient de monter en première ligne. Ca sera sans doute notre tour à moins que nous ayons la chance de rester ici. Mais s’il faut monter aux tranchées maintenir les positions, ou attaquer j’irai content, et je saurai faire mon devoir comme les autres. J’ai toujours bon courage et confiance.
J’ai reçu une carte de Pierre, il me dit qu’il se prépare à monter aux tranchées, il ne me dit pas l’endroit où il est. On ne doit pas être bien au même endroit. Il y a tant de monde par ici que ce serait un coup d'hasard si on se rencontrait.
Nous avons toujours le mauvais temps, hier il y avait un brouillard si épais qu’on ne se voyait pas à 15 mètres, il ne s’est levé qu’à midi et le soir il a plu tout le temps. Ce matin la journée s’annonce belle, peut-être se soir il pleuvra. Il ne fait pas trop chaud, on ne se croirait pas au mois de juillet.
Nous recevons de bonnes nouvelles de tous les fronts; les Russes font du bon travail de leur côté et s’entendent bien avec les Italiens pour taper sur l’Autriche. Si les Anglais allaient aussi bien qu’eux, les boches devraient commencer par en avoir assez. Ils se fatiguent de Verdun et deviennent plus calmes, veulent-ils le lâcher, ou taper plus fort ? Souhaiton que ces offensives réussissent et que nous voyons bientôt la fin de cette terrible guerre.
Je vous embrasse de tout mon coeur.
Joseph

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

11 Juillet 1916

Bien chers Parents,

Ca bombarde dur aujourd’hui des deux côtés, je ne sais pas si se sont les boches qui veulent attaquer ou nous, on s’envoi toujours quelque chose. Le fort reçoit beaucoup de marmites, ainsi que le fort de Souville qui est à notre droite, malgré que l’on soit dedans il y a toujours quelques blessés. Hier il y a eu un artilleur de tué, en réparant une ligne téléphonique, je venais de passer à côté de lui, en traversant la cour une minute avant que l’obus tombe. Lorsqu’il faut traverser la cour qui n’est pas bien large, on fait comme les rats, on sort la tête et on écoute s'y rien ne tombe ou s'y on n’entend rien venir, et au moindre sifflement qui s’approche on recule jusqu’au fond de l’abri; l’obus tombé, on ressort, et on écoute de nouveau, et lorsqu’on juge le moment favorable, on s’élance à toute vitesse jusqu’à l’abri d’en face. Lorsqu’on est obligé de rester dehors, pour une corvée, pour réparer les réseaux de fil de fer, ou lorsque le ravitaillement arrive je vous assure qu’on se débrouille et on tâche d’avoir vite fait.
Hier soir j’ai reçu la lettre du 5 ainsi que le colis. Je vais garnir la feuille pour le colis, et je vais vous la renvoyer. Le colis est arrivé intact et bien conservé.
Je suis toujours au secteur 130 c’est le numéro du secteur de la division et il ne change jamais. Peut-être que ma lettre a été mise en route par le service postal d’une autre division, et avait ainsi le numéro de cette division. Je fais actuellement partie de la garnison du fort saint Michel je ne sais s'y de là on ira en première ligne, ou au repos. Il paraît que l’on serait là encore pour quelques jours.
L’autre jour, au risque de recevoir un obus sur la tête, je suis allé passer 20 minutes à l’observatoire. J’ai vu le champ de bataille de la côte du poivre jusqu’à la droite de Douaumont. Le terrain est complètement troué par les obus, on dirait une passoire tant les trous sont serrés.
On m’annonce à l’instant que je dois aller au fort du regret passer deux jours pour achever mon instruction sur la mitrailleuse.
Je connais à fond la mitrailleuse «StEtienne» je sais la démonter et la remonter de fond en comble je connais tous les noms des différentes pièces et il y en a près de 80. Il ne me manque qu’à faire des tirs réels, se que je vais faire sans doute pendant ces deux jours. Ce sera dangereux pendant le trajet car je pars avec la voiture de ravitaillement.
Ici nous recevons le communiqué et les nouvelles importantes par la t.s.f. les journaux arrivent après midi, et encore pas toujours.
Je n’ai pas vu Jean C. depuis quelques jours étant en position on ne peut pas se voir.
Je ne vois plus grand-chose à vous dire, je suis toujours en bonne santé et j’ai toujours bon courage.
Les boches sont en train de recevoir la pile souhaitons que se soit la bonne, et que l’on voit bientôt la fin de cette guerre, et la paix victorieuse.
Le bonjour aux amis et voisins.
Je vous embrasse de tout mon cœur.
Joseph

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

156 Juillet 1916

Bien chers Parents

Je viens de passer 3 jours au fort de Regret au sud de Verdun. J’ai encore eu de la chance car pendant que j’étais là bas, les boches ont lancé des obus lacrymogènes et suffoquants et ont ensuite lâché une vague de gaz asphyxiants, et mes camarades ont du garder le masque pendant 4 ou 5 heures ce qui n’était pas bien agréable. Le lendemain ils ont bombardé le fort avec des gros obus. Un 305 est tombé sur la cuisine et en a démoli la moitié. Le jour avant ils ont bombardé le fort de Belleville là où est la première compagnie, ils envoyaient des 380 et ont fait beaucoup de mal. C’est la compagnie de Calmes, et je ne sais pas s’il n’a rien attrappé. On dit qu’il y a eu 70 tués. Aujourd’hui 15 il y a attaque de l’observatoire j’ai vu le champ de bataille, ce n’est qu’un immense nuage de fumée de toutes couleurs, de temps en temps on voyait les détachements qui montaient pour l’assaut. La canonnade fait un bruit terrible et c’est épouvantable à voir. Ce soir on saura sans doute les résultats de l’attaque.
Pendant les 3 jours que je suis resté à Regret j’ai appris à faire marcher la mitrailleuse, j’ai tiré plus de 300 cartouches, aussi je sais très bien la faire fonctionner.
Au fort il y avait des prisonniers boches, ce n’était que des jeunes de la classe 16 ou des vieux de 35 ans. Les vieux étaient venus remplacer les vides causés par les pertes. Tous sont contents d’être prisonniers car ils en ont assez de la guerre, surtout depuis qu’ils sont à Verdun. Il y avait un artilleur du 77 qui était en observation en 1ère ligne, et au lieu de rentrer chez lui il est venu dans les tranchées françaises, il était avec un officier et tous les deux ont été pris. Il parle très bien le français, et l’anglais et n’a jamais quitté l’allemagne. J’ai causé avec lui et il nous intéressait bien en nous parlant de ce qui se passe chez eux. Ils ne croient plus à la victoire et croient la fin de la guerre avant l’hiver. Tous ont une haine terrible contre le Kromprinz qui les fait tuer sans savoir pourquoi. Ils disaient que s’ils le tenaient ils l’écorcherait vivant. Quant à Guillaume ils sont pleins de vénération et de respect pour lui.
Pour le 14 juillet les boches ont envoyé quelques obus, qui n’ont pas fait grand-chose,le 14 à 2h du matin, je traversai Verdun pour remonter au fort saint michel.
Je viens de recevoir une carte de Paul Rendu il doit être là où nous étions il y a un mois. J’ai aussi reçu une carte de Pierre il me dit qu’il reçoit mes lettres mais il ne me dit pas où il est. Je ne sais pas où est Jean Collière, le dit-il sur ses lettres ? Ici on est complètement isolé du régiment on fait pour ainsi dire bande à part.
Nous avons le mauvais temps il pleut souvent et il fait presque froid. Je crois qu’on a raison qu'en on dit que dans la Meuse il n’y a pas d’été.
J’ai toujours bon courage et bonne santé.
A bientôt d’autres nouvelles.
Joseph

J’ai reçu hier soir votre carte et une lettre de Pierre. Pierre me dit qu’il est passé là où je suis actuellement. Mais il a changé de secteur, il est un peu plus sur la droite où c’est plus tranquille. Il paraît qu’à l’attaque de hier on aurait 4 ou 500 prisonniers.

1916 : août

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

1 Août 1916
Bien chers Parents,
Je ne sais pas ce que j’ai fait aux boches ces jours-ci, ils m’en veulent salement. A mon poste d’observation j’ai failli être touché plusieurs fois et hier soir à la nuit ils tiraient des obus juste sur le boyau par où je pars, il m’a fallu attendre pour m’en aller. Ce matin je dormais tranquillement, lorsque tout à coup les obus 105 se mettent à tomber près de moi. Je n’étais pas encore bien éveillé qu’il en pette un si près de moi que j’ai été aveuglé et assourdi un bon moment et j’entends un camarade qui appelle au secours. Tout de suite je vais à lui, il me dit qu’il est blessé au pied, je cours chercher un brancardier et nous cherchons sa blessure, il n’avait absolument rien. L’éclat était resté dans le soulier, il avait eu tellement peur qu’il criait comme un perdu. Pendant ce temps mon bras droit me faisait mal, nous regardons avec le branc. et un petit éclat y était rentré dedans, ce n’est presque rien c’est à peine s'y ça a saigné. Ce soir j’irai au poste de secours le faire voir au major.
Mon fusil a été brisé, ma baïonnette de pointe est presque partagé, la boîte du masque criblée d’éclats, la musette traversée de part en part. Heureusement que le flacon de "gnole" qui y était dedans n’a rien eu. Et avec deux ou trois camarades nous y avons fait honneur; ce qui nous a un peu remis des émotions. Demain je vous dirai comment va le bras. Ici nous avons toujours le beau temps, favorable aux bombardements, ça barde toujours à droite, je suis au bois d’Haudremont.
Pas de nouvelles de Pierre depuis quelques jours, Henri Brouillet vient de m’écrire.
Je vous embrasse de tout mon cœur.
Joseph

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

18 Août 1916
Bien chers Parents
Hier j’ai reçu toutes vos lettres et celles de Pierre, qui étaient à mon escouade, depuis mon départ. Il y avait aussi une carte de Paul R. et de Gustave. C’est mon caporal qui me les a envoyé. Ma compagnie est toujours aux tranchées. Mon escouade a profité du colis, car ils ne pouvaient pas me l’envoyer.
J’ai reçu aussi du sergent Major de ma Cie une lettre où il y avait pour moi une citation à l’ordre du régiment
[note]. Je vous en envoie la copie. C'a ma été une agréable surprise à laqu'elle je ne m’attendais pas du tout. Il me dit qu’il va m’envoyer la Croix de Guerre. Mais il ne sait pas encore le jour. Le jour du 15, j’ai pu faire la Ste Con nous étions plus de 60 pour 150 blessés.
Hier et aujourd’hui il pleut aussi il ne fait pas si chaud.
A bientôt.
Joseph

Lettre de LOUIS à son fils JOSEPH

Le 21 Août 1916

Mon cher Joseph

Nous faisons comme toi ? Nous sortons de la fournaise et je t’assure que pareil au danger du bois Chapitre, j’ai failli rester sur le carreau ? ... Pour en finir et comme toi nous soupirons. Comprends que quinze jours de moissons ou battage à 60 ou 70° de 4 du matin à 9 h du soir nous ont procuré l’occasion de montrer cette solidarité qu’il y a entre les combattants de la frontière et les combattants du sol. Nous tenons à être vos pareils. Sous vos efforts pressants les Boches sortent de terre sous nos sueurs nous ferons sortir notre arme la plus sûre : le pain ? ... et ceci jusqu’à la fin je veux dire jusqu’à la victoire. Vous êtes tenaces les tranchards ? ... Les paysans nous le serons plus que vous. Tu sais déjà que Pierre nous a fait une agréable surprise en parcourant d’un bond la courte étape de Fleury à Aguessac emportant avec lui le même entrain et le même courage qu’au départ. Rien de changé en lui, si ce n’est que son teint a bruni. Et nous comprenons que quatre mois de Verdun pour un 16, c’est bien assez demander à leur jeune vigueur. Cependant, son front timide est ombragé par des lauriers bravement conquis et que modestement il veut bien nous en faire les aveux. Tu as eu la bonne chance en te tirant d’affaire de montrer ton droit d’aînesse et d’être le premier à décrocher la Croix. Il ne tardera pas à te suivre et à gagner bravement la sienne ? ... Nous aimons à penser que la blessure du bras est en voie de guérison et sur ton affirmation nous avons pensé qu’elle n’était pas bien grave. Tout ceci occasionne un repos bien gagné et fait prendre haleine.
En remontant aux tranchées Pierre passera par Valence pour te rencontrer déjà rien ne m’empêche de le suivre. Je serai avec lui, heureux de te voir et de causer ensemble sur ces journées si tragiques que vous venez tous deux de passer. Il partira jeudi au premier train de 7h le matin et peut-être aussi Paul Rendu qui se trouve ici pour ses 10 jours.
A bientôt et bonne santé.
Ton père
Louis

1916 : septembre

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS (de retour de permission, au dépôt d'AVIGNON)

Avignon 4 sepb. 1916

Bien chers Parents

Me voilà arrivé au dépôt depuis dimanche soir. En passant par Le Vigan j’ai mis beaucoup plus de temps pour arriver, aussi je n’y repasserai plus. J’ai fait quand même très bon voyage. J’ai vu Victor et Fernand à Tournemire. A mon arrivée à la caserne j’ai rencontré un de mes anciens camarades du début; aussi je n’ai pas été en peine pour trouver un lit. Je me suis fait porter rentrant lundi matin. J’aurais pu rester un jour de plus à Aguessac, on n’est plus trop difficile pour les rentrées.
Lundi soir je suis sorti pour aller voir Lavabrou, lorsque je l’ai demandé au quartier on dit qu’il était monté au front. Ce qui m’étonnait beaucoup. Un brigadier est allé regarder sur son registre et m’a dit qu’il n’était pas monté et qu’il était de garde au bord du Rhône. Arrivé au parc des pontonniers je le demande partout et personne ne le connaît on me fait visiter tout les coins et recoins pour voir s'y je le reconnais et je ne le trouve pas. Sur le point de rentrer sans le voir, on me dit d’aller voir dans un parc à chevaux. Je m’y rends tout de suite. A cent mètres avant d’arriver je vois 3 hom. assis sur le bord du Rhône et après avoir fait 2 pas de plus j’entends Lavabrou qui parlait à un pêcheur. Je l’ai reconnu tout de suite à la parole, et je vais tout droit à lui. Il me voit venir et ne me reconnaît pas. Quand je lui tendait la main il a été tellement surpris que j’ai cru qu’il allait tomber dans le Rhône tant il s’est vite levé. Nous sommes allé boire un bière à un bistro voisin jusqu’à 8h et quart. Il a été bien content et surpris de me voir, je vous assure qu’il ne pensait pas à moi. Je n’avais pas pris le paquet car je ne croyais pas le trouver sitot. Il y a tellement de fourbis dans ses dépôts. Ce soir je vais le voir de nouveau, nous irons voir Philippe le cordonnier. Curou «nostri François» est en perm. il rentre demain. J’ai passé la visite ce matin. Pour le moment je suis inapte. Contrairement à se que je croyais on est bien nourris s’est aussi bien comme en temps de paix, mais on n’a pas de vin.
Je suis à la 27 Cie mais je crois que je vais passer à la 29è. Il n’a pas l’air d’y avoir beaucoup de monde dans les casernes. Les embusqués ne manquent pas. A demain d’autres nouvelles. Je vous embrasse de tout mon cœur.
Joseph R.
58e Infie 27 Cie Avignon Vaucluse.

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

Avignon le 7 sepb.1916.

Bien chers Parents,

Je viens de passer à la 29 Cie, et j’ai quitté les habits du front pour ceux du dépôt. Ce qui fait que j’ai de nouveau le képi rouge et la capote bleue. Tous les jours il faut aller à l’exercice. Les vieux et les jeunes sont tous melés on nous y fait aller pour passer le temps. On s’ennuie beaucoup et ce n’est pas intéressant. On prend souvent la garde on en est au moins 2 fois par semaine. Tous les 15 jours on demande des élèves mitrailleurs beaucoup sont volontaires mais lorsqu’il n’y en a pas assez on en nomme d’office. On va passer un mois à Nîmes et un autre à Nice, ce qui fait que ces deux mois se passent à l’arrière. On ne prend que des inaptes à faire campagne. J’ai presque envie de demander si j’y suis attend. Lorsqu’on est reconnu apte à faire campagne on peut demander une permission agricole de 15 jours. Seulement si dans les 15 jours que l’on est en perm. il part un convoi pour le front on peut être appelé par dépêche si le tour de départ est arrivé.
Avant-hier je suis allé voir de nouveau Lavabrou, il a peur de monter bientôt sur le front aussi il va demander une autre permission agricole pour venir vendanger. Hier on devait aller en ville, il n’a pas pu sans doute sortir en ville car je ne l’ai pas rencontré.
Vous pourrez m’adresser les lettres à la 29e Cie je pense y rester encore quelques jours.
Hier je voulais vous écrire mais j’ai été tellement dérangé que j’ai du attendre à aujourd’hui.
A bientôt d’autres nouvelles.
Joseph

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

Avignon le 13 septembre 1916.

Chers Parents,

J’ai reçu vos deux lettres celle de la 27 et de la 29e.
Je suis toujours à la 29e je ne crois pas y rester encore longtemps. Samedi je dois passer la visite hedommadaire et je serai sans doute apte. J’ai affaire à un bon major, il sait reconnaître ceux qui ont fait un long séjour aux tranchées et les garde quelques jours au reposdépôt pour les faire reposer. Je lui ai dit que j’étais guéri et que rien ne me genait. Il l’a vu d’ailleurs, il m’a mis inapte quand même. Pour la 3e fois je subis la vaccination contre la fièvre typhoïde je viens de recevoir la 8e piqûre depuis que je suis au service et si j’attrappe la fièvre se ne sera pas faute de ne pas avoir été piqué. Il y a quelques jours que je n’ai pas vu Lavabrou car je ne suis pas toujours libre pour sortir. Hier j’ai été de piquets à l’enterrement de deux soldats morts à l’hôpital. J’ai su que Cinq avait été réformé temporairement. Au dépôt j’ai rencontré plusieurs camarades évacués un sergent de ma section est encore ici depuis le mois d’octobre dernier; il a réussi à se faire embusquer et monte avec la classe 17.
Vous pouvez m’envoyer le certifat agricole je veux demander la permission j’espère l’obtenir. Aujourd’hui on m’a inscrit pour faire partie d’une équipe de vendangeurs. Je ne sais pas où j’irais, si j’y vais, car il peut se faire qu’on change d’idée. Je préférerai aller vendanger que de faire l’exercice, car c’est si peu intéressant que je m’ennuie tout le temps.
Je n’ai encore rien reçu de Pierre je lui ai donné ma nouvelle adresse.
Ici il fait toujours beau temps il a plu un peu il y a quelques jours mais ce n’a été rien. Il fait beaucoup de vent.
Ce soir je vais voir Lavabrou en cas que je parte. Il me faut demi-heure pour aller là où il reste et autant pour revenir. Ce qui fait qu’on ne peut pas rester bien longtemps ensemble.
A bientôt d’autres nouvelles.
Je vous embrasse de tout mon cœur.
Joseph

N'avez-vous rien reçu de ma Cie du front ou de l'Hopital

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

Avignon 16 Septb 1916

Bien chers Parents,

Je viens de recevoir la carte et le certificat. Ce qui fera que je l’aurai tout de suite lorsque je demanderai ma permission. Ce soir il part un détachement de la classe 17, pour le front. Je suis de piquet pour les accompagner à la gare.
Un de mes camarades qui était allé vendanger au Thor vient de revenir n’étant pas content de son patron.
Le patron est mobilisé au 7e génie comme «embusqué» alors comme il ne peut faire son travail il a demandé des soldats on lui a donné des blessés qui sont au dépôt. Il les faisait coucher dans la paille et ne les nourrissait pas, il ne les avait que pour les faire travailler disait-il. Quand mon camarade a vu ça il est parti et il en a été pour 7 à 8 francs de dépense.
Ce serait la moindre des choses de les nourrir et de leur donner un lit ou alors les payer. Hier j’ai reçu des nouvelles de Riom, c’est Tata et Marguerite qui m’ont écrit, et Tonton a joint un mandat de 10 francs. Je vais leur écrire se soir ou demain.
Je voulais mettre la dernière lettre que je vous ai écrit, en ville mais comme je n’ai pu sortir je l’ai mise à la caserne ce qui l’aura peut-être retardée.
Jeudi je passerai sans doute la visite; car je suis encore inapte, et je demanderai la permission immédiatement.
Depuis 2 ou 3 jours le mistral souffle très fort, et il ne fait pas chaud. Hier j’ai reçu la 9e piqûre, cela ma fait moins mal que l’autre semaine. Encore 2 fois et se sera peut-être fini.
Je n’ai pas vu Lavabrou depuis quelques jours car je ne puis pas sortir toujours comme je veux. Si demain je suis libre j’irai le voir.
A bientôt d’autres nouvelles.
Je vous embrasse de tout mon cœur.
Joseph.

1916 : octobre

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

2 octobre 1916
Camp des Garrigues Nîmes Gard

Bien chers Parents,

Je devais avoir ma permission aujourd’hui lundi, et comme on allait la présenter au colonel des ordres nouveaux sont arrivés au sujet des permes nons agricoles. Ont a pris le nom de tous les agriculteurs et ont va leur donner une permission agricole pour faire les labours et les semailles.
Les journaux viennent d’en parler il y a quelques jours. Avant que les ordres d’exécution arrivent pour faire partir les permissionnaires il faut que ca passe par tant de bureaucrates, que c’est long à venir.
Se qui fait que j’ai toujours l’espoir de venir passer quelques jours le plus tôt serait le mieux.
On ne dit pas le jour qu’on nous la donnera c’est probable que ca sera bientôt et ce ne serait pas malheureux depuis que je l’attends.
Je languis, d’autant plus à présent que je sais que Marguerite est à la maison. Je serai bien content de la voir. Je n’ai pas encore répondu à sa carte, n'y à Tata et à Tonton pour les remercier, car changeant si souvent de compagnie, les lettres m’arrivent en retard.Et ici on ne trouve absolument. Voyez il faut que je me serve du papier des officiers, car je n’ai rien plus. Attendant d’un jour à l’autre la permission, je n’ai pu me faire payer le mandat on ne les paye que 2 fois par semaine.
Pour éviter les exercices et les marches j’ai réussi à me faireêtre «embusqué» (chacun son tour). Je suis employé au mess des officiers. Je les sers à table et j’entretiens la salle à manger. Nous sommes deux ce qui fait qu’il n’y a pas grand travail. Mon camarade est un embusqué pur sang. Je mange à la cuisine des officiers, et j’en profite pour réparer le temps perdu.
Mardi dernier on a fait une marche manœuvre à Manduel où l’on a couché. Nous avons manœuvré contre des spahis indigènes. Nous les avons attaqués dans la ferme où ils étaient et ils se sont si bien défendus que nous n’avons pas pu les déloger. La classe 17 a montré qu’elle était bien entraînée. Le général Bertin assistait à la manœuvre. Le lendemain pour la rentrée au camp nous avons pris une douche soignée.
Après avoir quitté le cantonnement il s’est mis à faire un orage et je vous assure que ça tombait, aussi on n’a pas eu de peine pour se tremper jusqu’aux os. En traversant un village la pluie s’est mise à tomber avec plus de violence, la colonne a fait la traversée du pays à une belle allure et en ordre parfait faisant l’admiration des gens qui nous regardaient passer. C’est que les bleus de la classe 17 sont un peu là. Cette semaine il y a marches d’épreuve comme étant embusqué je ne marche pas.
A bientôt le plaisir d’être au milieu de vous, en attendant je vous embrasse de tout mon cœur.
Joseph.

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS (retour de permission)

Camp des Garrigues (par Nîmes)
le 22 octobre 1916.

Bien chers Parents,

Me voilà arrivé au camp. J’ai fait bon voyage, je n’ai pas pu arriver de jour à Nîmes, il était 7 heures lorsque je suis descendu du train et à 8 h et demi j’arrivais au camp.
Je suis passé par Béziers et Cette, dans ces deux gares il y a eu de longs arrêts c’est ce qui fait que le voyage a été si long. Il commençait à faire nuit lorsque je partais de Cette, j’ai pu voir encore la mer et quelques navires; je n’ai pas rencontré d’autres camarades rentrant de permission, tous étaient déjà rentré, car ils étaient surtout des environs de Nîmes ou d’Avignon et ils n’étaient pas de si loin que moi.
Je suis arrivé un peu en retard je ne sais pas se qu’on me dira. On ne veut pas tenir compte du tampon de la gare. Je ferai mon possible pour m’en tirer à bon compte.
Je crois que mercredi la garnison du camp part pour Salon, par voie de terre, la première étape sera à Tarascon, ca sera un peu long, heureusement qu’on n’est pas trop chargé.
Ce n’est pas trop tôt qu’on quitte ce camp car il n’y fait pas bien chaud, et il n’est pas à l’abri de la bise. Aujourd’hui elle ne souffle pas trop fort, mais le jour où je suis parti, il a fait un vent très fort et froid. A Cette on grelottait aussi on ne voyait pas grand monde dehors.
Pour le moment je ne vois plus rien à vous dire, j’ai un peu le cafard mais ce sera vite passé.
En attendant de vous écrire de nouveau je vous embrasse de tout mon cœur. Le bonjour à Marguerite et aux voisins que je n’ai pas pu voir à mon départ.
Joseph

Je vous renvoie un billet de 10 sous de l’Aveyron, que j’avais oublié de vous laisser.

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

Sénas 28 Octobre 1916

Bien chers Parents,

Nous voilà arrivés dans notre nouveau cantonnement. Nous avons quitté le camp mercredi matin et le soir nous couchions à Beaucaire, près de 30 klm, pluie sur le dos. Le lendemain nous avons fait Beaucaire Maussane, étape moins longue et le temps nous a favorisé par un soleil magnifique. Le 3e jour nous sommes arrivés à Eguyères, et ce matin à Sénas.
C’est un joli pays planté d’oliviers, d’amandiers et de mûriers il a l’air fertile et presque partout arrosé par des canaux d’irrigation. On n’entend plus les habitants parler français, tout le monde, même les enfants, parle le patois provençal. On voit aussi beaucoup de femmes portant la coiffure provençale.
Pendant les quatre jours de marche j’ai été aide-cuisinier et se n’est pas le plus mauvais emploi. A la grand'halte lorsque les camarades cassaient la croûte et se reposaient je leur faisais le café et je le servais 5 minutes avant de repartir. Sitôt arrivés au cantonnement au lieu de me reposer il fallait commencer à monter la marmite. Nous étions 3 pour faire la soupe, pour environ 60 hommes, et je vous assure qu’il ne fallait pas trop s’amuser pour que ce soit prêt à l’heure. Les deux cuisiniers étaient du métier aussi tous les hommes étaient de manger si bon.
J’ai marché sans difficulté je n’ai pas blessé mes pieds et ils ne m’ont pas fait du tout souffrir.
Demain dimanche je suis planton toute la journée devant le logement du commandant d’armes. Se soir je vais visiter un peu le pays, et me coucher je crois que je dormirai avec plaisir.
Je n’ai rien de reçu de Pierre n'y de vous depuis que je suis rentré de permission.
A bientôt d’autres nouvelles.
Je vous embrasse de tout mon cœur.
Joseph

Adresse Rascalou Hon
58e Infanterie
32e Compagnie
Sénas (Bouches du Rhône)

1916 : novembre

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

4 et 5 Novembre 1916
Salon (B. du R.).

Chers Parents,

J’ai de nouveau changé de pays et d’adresse. Depuis hier je suis à Salon, pour suivre un cours de bombardier. J’y serai jusqu’au 12 inclus et après je reviendrai à Sénas.
Salon est une jolie ville, à peu près comme Millau, il y a je crois 10 ou 12 mille habitants. C’est le pays de l’huile et du savon, on ne voit que des enseignes : huiles et savons. Nous sommes logés dans une remise à la sortie de la ville. Nous sommes une douzaine du 58 et sommes affectés à une compagnie du 61e.
Nous mangeons très bien, on nous fait de la bonne cuisine. La cuisine est installée à côté d’une petite église qui sert à loger des troupes. Pour aller chercher le café ou manger la soupe il nous faut faire un kilomètre.
Nous avons 5 heures d’exercices ou de théorie par jour. On nous apprends à connaître et à manipuler les explosifs, les grenades et tous les engins de tranchées. C’est la même répétition des cours qu’on faisait sur le front. Il y a toujours des perfectionnements ou des engins nouveaux dont il faut prendre connaissance. C’est assez intéressant, car on apprend toujours quelque chose de nouveau et puis cela vaut mieux que d’aller à l’exercice. Il y a avec nous une quinzaine de sergents de l’infanterie coloniale nous vivons ensemble.
Nous avons le vent du midi et il fait un temps très doux. La nuit dernière il a plu tout le temps, et le soleil se fait voir ce matin. Généralement la température est assez douce, mais si le mistral se met à souffler il fait un froid terrible.
Je ne pense pas avoir encore une permission, il faudrai un coup d'hasard qu’une occasion se présente et j’en profiterai. Je tâcherai de trouver un producteur d’huile d’olive et je vous en informerai. (Dimanche matin) Il y a eu exercice ce matin et hier soir je n’ai pas pu finir n'y faire partir la lettre.
Le vent du midi souffle toujours et il a plu toute la nuit.
A bientôt d’autres nouvelles.
Joseph

Jusqu’au 10 ou 11 vous pouvez m’envoyer les lettres à l’adresse suivante :
Rascalou 58e Infie
32e Cie Centre de
Bombardiers Salon (B. du R.)
Après le 12 je reviendrai à Sénas à moins d’ordres contraires.

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

Salon 7 Novembre 1916

Chers Parents,

J’ai reçu ce matin votre lettre datée du 4. Elles ne mettent pas bien longtemps pour venir, il faut encore qu’elles passent à Sénas d’où on me les envoie ici.
Ce matin le colonel a rassemblé la garnison sur le terrain de manœuvre, et à 7h du matin il commençait une conférence sur le nouveau règlement des formations d’infanterie en campagne.
La guerre que nous sommes en train de faire nous a appris beaucoup de choses que l’on ignorait jusqu'alors. De nombreux engins ont été inventés, et de nouvelles méthodes adopter qu'on a été obligé de modifier plusieurs fois le règlement.
Jusqu’ici ont avait continué notre instruction sur le combat en rase campagne. Espérant qu’un jour, plus ou moins éloigné, l’ennemi quitterait ses tranchées pour accepter malgré lui, la rase campagne.
La nouvelle méthode que l’on va enseigner, et les changements de formation que vont subir les unités, permettront à l’infanterie de combattre dans les tranchées aussi bien qu’en rase campagne.
Dans sa dernière lettre Pierre me disait qu’il allait faire de grandes manœuvres pour apprendre ce nouveau règlement.
Hier j’ai fait connaissance d’un nommé Pagès de Millau. Il était au 258 et est au dépôt après avoir été blessé. Nous étions dans la même salle depuis plusieurs jours et nous ne nous connaissions pas. C’est lui qui en attendant le nom Rascalou m’a demandé d’où j’étais car il connaissait des Rascalou à Aguessac. Il m’a dit qu’il était un cousin de Lauret et qu’il vous connaissait et habite rue Peyrollerie. Il doit venir bientôt en permission alors je lui dirais de venir se faire payer le déjeuner à la maison et il vous donnera de mes nouvelles.
Hier j’ai écrit à Louise à Riom peut-être qu’elle aura été partie. Pierre m’a écrit dernièrement. Nous avons toujours le vent du Midi, mais il n’est pas si chaud. Pour le moment je ne vois plus rien d’intéressant à vous dire. Se soir je vais revenir au milieu des grenades et des bombes, et dimanche jour de clôture, on nous fera passer un exament pour savoir si nous avons bien retenu les instructions reçues.
Je vous embrasse de tout mon cœur.
Joseph

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

Sénas 9 Novembre 1916.

Chers Parents

Me voilà de nouveau à Sénas d’où je vais partir pour Avignon.
J’ai été rappelé ce matin par télégramme.
J’étais à l’instruction des bombardiers, et j’étais en train de lancer des grenades avec le canon spécial «Brant» un cycliste est venu portant le papier et il a fallu partir immédiatement.
Je suis arrivé à Sénas à 11 heures et je repars à 3 heures pour arriver à Avignon vers 6 ou 7 heure du soir. Ce n’est pas à dire que je parte pour le front je peux être en surnombre, mais c’est un hasard sur lequel il ne faut pas compter beaucoup. Sitôt arrivé à Avignon je me mettrais au courant de la situation. Si je monte au front se sera toujours avec le courage et même volonté de faire mon devoir. Je sais assez comment cela se passe, et je ne m’en fais pas.
Hier j’ai reçu votre lettre m’annonçant la décoration de Pierre
[note]. C’est avec grand plaisir que j’ai appris cette nouvelle. Je lui ai réponduécrit immédiatement pour le féliciter.
Pagès «cousin de Lauret» m’a dit qu’il viendrait vous voir dès qu’il aurait sa permission car il doit monter à Aguessac pour d’autres affaires. Dès que je serai arrivé à Avignon j’y voir s’il y a Lavabrou, peut-être il n’est pas revenu du front.
Comme je vais de nouveau changer de Cie ou tourner d’un côté et d’autre, il faut que vous attendiez que je vous donne une adresse exacte avant de m’écrire. Vous pouvez le dire aussi à Pierre car je n’aurai pas peut-être le temps de lui écrire.
Tous les jours je tâcherai de vous tenir au courant de la situation. Je suis pressé.
A bientôt d’autres nouvelles.
Joseph

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

11 Novembre 1916
Avignon

Chers Parents

Vendredi matin j’ai été habillé de neuf pour monter en renfort au 73e. Mais j’ai été en surnombre et je ne suis pas parti. Ca sera pour une autre fois. Ce matin j’ai été déshabier et je suis de nouveau à l’attente je resterai sans doute à Avignon car pour la semaine prochaine il y aura sans doute un renfort.
On parle beaucoup d’un renfort pour le 35e qui est à Salonique. Il pourrait se faire que j’en fasse partie. De ca il n’y a rien de sûr. Se ne sont que des bruits qui circulent, il faut quand même s’attendre à tout. Ce n’est pas plus mauvais là bas qu’ailleurs il n’y a que la traversée qui est mauvaise, et l’on peut encore rencontrer un sous-marin. Ce sont des accidents qui arrivent rarement et auxquels on ne peut grand-chose qu'il vaut mieux ne pas s'en faire cas.
Je reçois à l’instant votre lettre du 9 qui me revient de Salon. Pour le moment je n’ai pas besoin d’argent. Si par hasard je partais pour Salonique je vous en informerai le plus tôt possible afin que vous puissiez m’envoyer à temps tout ce que j’aurai besoin. Car une fois là-bas ca sera plus long à venir. J’essayerai aussi d’avoir une permission de 48 heures, mais il y a peu de chance que je l’obtienne.
Depuis quelques jours nous avons le mistral qui souffle assez fort, et il ne fait pas très chaud.
L’autre jour j’ai écrit à Louise et je lui donnais mon adresse.
Se soir ou demain j’irai voir s'y je trouve Lavabrou à moins qu’il soit encore au front.
En attendant de vous donner d ‘autres nouvelles je vous embrasse de tout mon cœur.
Joseph

Nouvelle adresse
Rascalou 58 Inf 25 Cie
Avignon Vaucluse

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

21 novembre 1916 Avignon

Chers parents,

Je viens de nouveau d’être habillé en tenue du front, pour monter au 199e. Mais il vient rentrer des hommes qui faisaient un stage de mitrailleurs et sont devenus disponibles ils passent avant moi car leur tour était déjà arrivé. Ca fait que je suis de nouveau en surnombre il faudrait que un de ceux qui partent ne soit pas là au départ, alors il faudrait que je le remplace. Je ne pense pas que ça arrive ainsi et que je resterai encore quelques jours jusqu’à ce qu’on forme un autre renfort. Ce qui fait que je serai peut être à Avignon lorsque Pierre aura sa permission et que je pourrai venir le voir. Surtout dès qu’il sera arrivé envoyez moi vite une dépêche et je demanderai 48 heures. J’espère bien qu’on me les accordera.
Ce matin j’ai reçu votre lettre du 20, vous me dites que Charles part mercredi il passera sans doute par Avignon, dans la soirée ou avant minuit. Je tacherai d’être à la gare pour le voir, ça me sera peut être difficile car on ne laisse pas rentrer dans la gare même avec une autorisation, il faudrait que lui sorte, et attende un train alors nous pourrions nous voir.
Aujourd’hui je viens d’être vacciné pour la 9 ou 10e fois j’en perds compte.
Le 199 doit partir se soir à moins d’ordres contraires. Si par cas je partais, vous aurez été averti par une dépêche.
Au prochain renfort je ne serais alors plus surnombre, mais si j’ai eu le bonheur de venir vous voir ainsi que Pierre, se sera une grande consolation.
Je vous embrasse de tout mon cœur.
Joseph

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

Avignon 27 Novembre 1916

Bien chers Parents,

Je viens de recevoir une lettre de Pierre en même temps que la vôtre contenant la découpure du journal où est la citation de Pierre. C’est avec plaisir que j’en ai pris connaissance car Pierre ne me l’avait pas envoyée.
Pierre me dit qu’il a demandé à permuter pour avancer son tour de départ de quelques jours, mais comme ca se comprend il n’a pas réussi, chacun tient à partir à son tour. Il devait être déjà parti mais il me dit qu’on en a retardé quelques uns de quelques jours.
Je pense que se sera pour bientôt, et que je ne serait pas encore parti. Je lui ai écrit de s’arrêter à Avignon si par cas il passait par là. Si on pouvait se voir se serait tant de pris en attendant que je vienne et si par cas je ne pouvais pas venir.
J’espère que ce coup-ci tout marchera à souhait et que dans quelques jours nous aurons le bonheur d’être réunis tous ensemble.
En montant sur le front sitôt après la permission de Pierre il pourrait se faire que nos tours de permissions arrivent à peu près en même temps. Ce sont des projets d’avenir sur lesquels il ne faut pas trop compter mais qui peuvent arriver.
On ne donne plus de permissions agricoles des règlements nouveaux sont arrivés. Il paraît qu’on va en donner aux hommes du front aux unités qui sont au repos. Je ne suis pas bien renseigné sur ça je l’ai entendu dire vaguement, il paraît que c’était sur les journaux.
Je n’ai pas encore reçu la Croix de Guerre, je vais me renseigner pour pouvoir me la faire envoyer car mon ancien sergent major ne doit pas avoir mon adresse.
Pour le moment il n’y a pas de renforts d’annoncé, donc espoir de rester encore quelques jours.
A bientôt le plaisir d’être au milieu de vous.
Joseph

1916 : décembre

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

Avignon 13 Décembre 1916

Bien chers Parents,

Me voilà arrivé à Avignon depuis ce matin deux heures. Avec Pierre nous avons fait un bon voyage. Nous sommes passés par Béziers et Cette, en croyant de rencontrer Paul Rendu, mais nous ne l’avons pas vu. Il a du partir par un train du matin. A Montpellier il y avait tellement de monde que nous n’avons pas pu voir Léonce Andrieu. Ce qui fait que Pierre a continué sa route tout seul, nous avons perdu Aldias à Tarascon, il y avait tellement de monde surtout des permissionnaires, qu’il était très difficile de marcher ensemble.
En arrivant à la caserne j’ai appris que je ne faisait pas partie du renfort qui était parti dans la semaine. Il n’y a pas d’autres renforts d’annoncé pour le moment.
Ce matin le lieutenant voulait me proposer pour instructeur des récupérés, comme ayant beaucoup de front, au dernier moment il en a trouvé un autre également cité ayant 10 jours de front de plus et père de famille, aussi il lui a accordé la préférence, ca venait plustôt à lui qu’à moi. D’ailleurs se ne m’allait guère d’être instructeur, je préfère retourner au front que de rester ici.
Ensuite il m’a appris ainsi qu’à plusieurs de mes camarades une nouvelle qui ne nous a pas fait rire. Il nous a dit que demain matin nous partirons à la Compagnie d’entraînement à Sénas. Ce qui fait que je vais revoir la 32 Cie, faire de nouveau l’exercice, marches de nuit etc. et sous le commandement d’un officier qui ne vaut pas cher. C’est avec regret que nous allons quitter Avignon avec l’espoir d’y revenir bientôt pour monter sur le front.
A présent que j’ai vu Pierre et que j’ai eu la permission, je languirais de remonter, car là-haut je pourrai faire mon devoir et être utile à quelque chose plus tôt que de faire le pantin ici.
Aujourd’hui j’ai le cafard qui suit inévitablement le retour de permission, mais ça sera bientôt passé. Demain ou après demain je vous donnerai ma nouvelle adresse.
A bientôt d’autres nouvelles.
Je vous embrasse de tout mon cœur.
Joseph

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

21 Décembre 1916 Salon

Bien chers Parents,

Je suis sur le point de terminer mon stage de bombardier et par conséquent de quitter Salon. Ce soir nous passons l’examen, et j’espère avoir une bonne note, car je suis un de ceux qui savent le mieux la théorie, et je sais me servir très bien de tous les engins dont on nous a appris le fonctionnement.
Il n’est plus nécessaire que vous m’adressiez les lettres à Salon, vous pouvez me les envoyer à la 32e Compagnie Sénas (B. du R.).
Je n’ai encore rien reçu de Pierre ça m’étonne qu’il ne m'est pas encore écrit.
L’autre jour j’ai rencontré de nouveau Pagès qui est devenu caporal chef de pièce (de mitrailleuse). Il m’a dit que bien qu’il soit caporal mitrailleur il ne connaissait rien à la mitrailleuse. C‘est la chance qui va bien pour lui, et pour lui l’essentiel est de rester le plus longtemps possible au dépôt. Il venait de passer 25 jours à Nice, et je crois qu’il y ait reparti pour autres 25 jours. Faire la guerre à Nice, ce n’est pas trop mauvais.
On vient de faire une rafle pour un renfort qui va partir à Salonique, on a épargné le 58e, ce n’est peut-être que retardé. Tous les hommes disponibles du 40e ont été rappelés dans leurs dépôts.
Parmi les bombardiers dont je fais partie il y a beaucoup de coloniaux surtout des sous-officiers. Presque tous ont été blessé dans le début de l’attaque de la Somme, aussi lorsqu’ils racontent leurs exploits de guerre c’est un vrai plaisir de les entendre. Les ¾ d’entre ont fait plusieurs campagnes aux colonies.
Hier nous sommes allés tirer des grenades réelles dans un champ de tir à 6 kil. de salon. Nous avons eu la pluie sur le dos tout le temps aussi lorsque nous sommes rentrés nous étions trempés comme des rats.
Sitôt rentré à Sénas si ça ne va pas comme il faut je demanderai de partir au premier renfort d’abord pour éviter d’aller à Salonique, et puis parce que ici j’ai trop le cafard et que là haut je ne l’ai jamais eu et si je puis rentrer aux bombardiers je serai mieux en première ligne qu’au dépôt.
En attendant de vos nouvelles je vous souhaite une bonne fête de Noël et ne m’oubliez pas dans vos prières.
Je vous embrasse de tout mon cœur.
Joseph