Aux armées le 29 août
Bien chers Parents,
Nous voilas enfin relevés et au repos à l’arrière. Vous avez vu sur les journaux la 2e attaque du 26, j’en ai fait partie. C’est le 155 qui a pris Beaumont dimanche dernier, la lutte a été rude mais nous les avons eu quand même.
Je vous assure que ce jour la je me suis bien amusé.
Avant l’attaque, j’été logé dans des abris boches on est sorti a une heure du matin, l’artillerie boche ne tirait pas trop.
Avant de partir il arrive une corvée portant du vin, de la gnole, du fromage et du pain.
Aussi on a pu casser la croûte, et on a bu une bonne goutte.
En allant à la position de départ nous sommes pris sous le feu de barrage, j’ai juste eu le temps de m’enfiler dans une sape, qui d’ailleurs était bondé de soldats. C’est la que je perds mon sac. Le tir fini on prend position, on nous averti que ça va être l’heure, toutes nos pièces se mettent à tirer, c’est un roulement effroyable, il faut crier de toutes ses forces pour se faire entendre à 3 pas de soi.
Ce coup-ci je ne suis pas en première vague, mais dès que l’on c’est mis en marche je me suis efforcé de gagner la première vague, parce que c’est moins dangereux et c’est plus intéressant.
Nous arrivons à Beaumont, ou plutôt à l’endroit où était le village, les mitrailleuses commencent à tirer on marche toujours on trouve des sapes remplies de boches ils essayaient de résister, il leur a falu une distribution de grenades pour les décider à se rendre. C’est aux cris unanimes de Kamarade qu’ils sortaient de leur trous, les mains en l’air, plus morts que vifs.
On les dirige vers l’arrière après les avoir sommairement fouillés et gratifiés d’un bon coup de pied au derrière pour les dégourdir.
Presque tous étaient abrutis par notre bombardement, ils ne savaient plus où ils avaient la tête. J’en ai vu qui pleuraient comme des enfants, d’autres qui riaient comme des fous. On leur demandait des souvenirs qu’ils donnaient volontiers d’autres ne se débarrassaient de leurs menus objets que sous la menace du révolver que l’on plaçait sous leur nez. Je rapporte une montre, et une lampe électrique que j’ai prise à un officier boche. Je rapportai beaucoup d’autres choses, mais je me suis trouvé dans la journée dans une situation si critique que j’ai jugé prudent de me débarrasser, car j’ai failli être fait prisonnier.
Après avoir dépassé le village, on s’est arreté dans un trou d’obus, et a tout à coup on a vu les boches derrière nous, ils venaient de déclancher une contre attaque et essayaient de nous encercler. Je me suis replié un peu à l’ arrière.
Je leur ai tiré plus 80 coups de fusils, quelques uns étaient à moins de 25 mètres. Je suis sur de deux que j’ai vu tomber sous mes coups de fusils.
Le dimanche soir on s’est un peu replié car on était trop en avant, et dans la nuit on a été relevé pour aller en réserve. Le lendemain matin on était relevé et à 8 h on arrivait à Verdun, pour repartir à midi prendre les autos qui nous conduisaient au repos à Possesse où je suis actuellement.
Vous voyez que je m’en suis tiré, malheureusement beaucoup de mes camarades sont tombés. Ma section a été bien éprouvée. Nous sommes montés 33 et nous revenons 12 dont 9 tués 3 disparus, les autres blessés. Avant l’attaque nous avons eu des pertes par les gaz, j’ai été légèrement intoxiqué, mais ce n’est rien. Les officiers ont été bien éprouvés. Sur 44 qui sont montés 32 sont tombés. Mon commandement de compagnie a été mortellement blessé, un capitaine vient le remplacer, il est blessé le lendemain.
A Verdun le colonel nous a remerciés de ce que nous avions fait. Je crois que le régiment va avoir la fourragère, ce qui donnera deux jours de permission de plus.
Nous allons être équipés et habillé de neuf, et les permissions vont reprendre, ce qui est le plus intéressant.
L’autre jour j’ai reçu une lettre où vous me disiez que vous alliez m’envoyer un colis, je ne l’ai pas encore reçu.
Je pense que Pierre a terminé sa permission et qu’elle s’est bien passé, je vais lui écrire pour lui donner de mes nouvelles. Je pense en avoir bientôt des siennes.
J’ai vu des artilleurs du régiment de G. Raynal, mais je n’ai pas vu sa batterie. Je n’ai pas pu voir Léonce, j’ai vu un de ces camarades, et je lui ai dit qu’il lui donne le bonjour de ma part c’était la veille de la 1ère attaque.
Pour aujourd’hui je ne vous en dit pas plus long en attendant d’avoir de vos nouvelles et d’être au milieu de vous je vous embrasse de tout mon cœur.
Joseph