Famille Rascalou-Montéty

1919 : janvier

Lettre de JOSEPH à sesS PARENTS

Höchst le 11 Janvier 1917

Bien chers Parents

Ce soir de nouveau j’étais de service pour une conférence électorale.
Ce service n’était pas dur car les électeurs étaient très tranquilles.
Hier c’était le parti socialiste, anarchiste républicain etc etc.
La salle était comble plusieurs orateurs se sont succédés à la tribune, et ont été applaudis; un capitaine francais et un interprète étaient aux côtés des candidats.
Ce soir c’était autre chose le public était composé d’hommes et de femmes, c’était la bourgeoisie, les patriotes, les partisans de l’empereur etc, des femmes ont pris la parole à la tribune, on ne comprenait mais ca valait la peine d’assister en curieux à la séance. L’interprète nous a dit un peu ce qu’ils discutaient. La séance s’est terminée par les cris de : "Deustland über alles. (l’allemagne au-dessus de tout.
Hier soir ca été fini à huit heures et comme on n’avait pas encore mangé on est rentré au cantonnement au pas cadencé à la vitesse de 10 kilom à l’heure. Les civils étaient tous étonnés de nous voir marcher si vite et avaient l’air de se demander ce que ce nous avions dans les jambes. Car ils prétendent que nous sommes tous poitrinaires jusqu’à la moelle des os, alors de temps en temps on leur fait voir qu’ils sont dans l’erreur de croire ça.
Aujourd’hui les boucheries chevalines ouvraient à 3 heures du soir, à 11 heures il y avait des femmes qui attendaient à la porte. L’autre jour il y avait distribution de légumes sur la place publique les femmes faisaient la queue la carte à la main et tout ca sous le contrôle de la police. Ils ont la carte pour tout, et sans ca ils ne peuvent rien avoir.
Demain dimanche nous quittons le pays, nous ne savons pas bien où nous allons. La division va être dissoute et nous allons faire partie de la 40e division. Nous passerons du côté de Wiesbaden.
Nous sommes relevés par la 26e division, une de plus s’était celle de Pierre. Le régiment est relevé par le 92e, qui est déjà arrivé.
Il parait qu’à Francfort ca ne va pas comme il faudrait, il y a des troubles parmi les civils au sujet des élections, peut être faudra-t-il aller les mettre d’accord.
J’ai fait l’acquisition d’un rasoir, et j’ai appris à me raser ce qui fait que je n’aurai besoin de personne, je ne regrette qu’une chose c’est de ne l’avoir acheté 5 ans plus tôt.
Ces jours-ci nous avons eu le temps doux, aujourd’hui il commence à faire un peu plus froid.
J’ai reçu des nouvelles de Gustave il est toujours à Strasbourg, mais il parait qu’il va bientôt le quitter.
Les permissions marchent bien, je crains qu’elles soient ralenties par les déplacements que nous allons faire.
Je vous ai envoyé deux cartes vous disant que Léonce était venu me voir avant son départ en permission. De cette heure-ci il doit être arrivé.
En attendant de vous donner d’autres nouvelles, je vais encore faire des kilomètres sur les routes d’allemagne.
Je vous embrasse de tout mon cœur. Le bonjour aux amis et voisins.
Joseph

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

Wacquernen (Wackernheim) le 15 Janvier 1917

Bien chers Parents,

Nous avons quitté Höchts, dimanche dernier, (toujours un dimanche) et nous sommes venus ici, en deux étapes. Dimanche soir nous avons couché dans le même cantonnement ou nous avons passé une nuit après avoir passé le Rhin. Le lendemain 13 un mois jour pour jour après avoir passé le Rhin nous le repassions et traversions Mayence.
Nous sommes dans un petit village où l’on n’est pas trop mal. Pendant deux nuits nous avons couché dans la salle d’école. Mais aujourd’hui l’instituteur a demandé qu’on lui laisse la salle pour faire l’école. Alors on nous a logé deux par deux chez les habitants. Ce qui fait que j’ai ma chambre, et mon lit. Mon camarade couche dans un autre lit à côté de moi. Je n’ai pas encore fait connaissance avec les patrons, un jeune homme de la maison essaie de parler avec nous, on ne se comprend que très difficilement.
Nous ne sommes ici que pour 2 ou 3 jours. Nous allons rejoindre la 40e division dont nous ferons partie car la 165e va terminer son existence. On nous a donné encore aujourd’hui un grand papier où sont écrites les citations de la division et du régiment.
J’ai reçu votre lettre du 8 lundi matin et hier j’ai reçu votre carte du 5.
Avant hier nous avons eu la fantaisie d’acheter un pain tout chaud sortant du four, le boulanger n’en donne aux civils qu’avec la carte. Je ne sais pas pourquoi il nous en a vendu, il a du avoir peur qu’on lui cambriole sa boulangerie. J’ai eu de la peine à le manger, j’en garde un morceau pour vous le faire voir.
J’apprends à l’instant que nous repartons demain. Aussi je termine tout de suite car le vaguemestre va prendre les lettres.
A bientôt d’autres nouvelles.
Joseph

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

Kridfeld (Kriegsfeld) le 21 Janvier 1919

Chers Parents,

Nous venons de rester 4 ou 5 jours sans avoir eu de distribution de lettres. Hier soir j’ai eu celle de Louise du 14, et une de Riom ou se trouvait un mandat de 15 francs. Je leur avait écrit pour le premier de l’an et ils m’envoient les étrennes aussi je vais leur répondre pour les remercier.
J’avais écrit au commandant du dépôt du 58e pour qu’il m’envoie un extrait de ma citation et un certificat de blessure, j’avais reçu l’extrait l’autre jour et hier soir j’ai reçu l’autre feuille avec un bout de ruban des insignes de blessés.
Nous sommes toujours au même pays et nous repartons après-demain pour aller un peu plus loin.
On est bien logé on couche dans des lits on ne fait pas grand chose on ne prend la garde que toutes les 3 ou 4 nuits.
Dimanche dernier les officiers du bataillon et le colonel faisaient une battue aux lièvres, j’en faisais partie comme rabatteur mais voilà qu’au commencement, tout a dut être suspendu par l’arrivée au cantonnement du général de division.
Il y a ici beaucoup de lièvres souvent en marche on en voit jusqu’à 20 qu’on lève successivement sur le bord des routes. Aujourd’hui il y a eu battue, je ne puis y assister étant de garde.
Dans le dernier village ou nous avons cantonné, nous avons discuté le coup avec des civils, car un étudiant de 15 ans qui parlait français nous servait d’interprète. On discutait sur les responsables de la guerre, sur les crimes commis par les boches, sur l’écrasement de l’Allemagne etc. et nous n’étions pas toujours d’accord. Nous nous sommes aperçus une fois de plus que le peuple allemand ne connait pas toute la vérité. Il n’y a que le soldat qui a été au front et qui a vu, qui sait à quoi s’en tenir.
La discussion était très intéressante car c’étaient des fanatiques du Kaiser, pour nous calmer le patron de la maison ou on était nous a payé du vin blanc qui n’était pas mauvais. Je vous raconterai ca en détails ça vaut le coup.
Dans la maison où je loge le fils du patron était officier et a été tué. Aussi celui-ci nous a reçu froidement. Tandis que dans la maison d’en face ou sont logés mes camarades le patron a été soldat et c'est ce que c’est le métier de soldat. Et c’est là que je passe mon temps. La patronne nous fait la vaisselle à chaque repas, la servante entretient le feu toute la journée. Enfin on est assez bien vus.
Dans les bistrots on trouve du vin de pays, c’est du vin blanc qui n’est pas mauvais nous le payons 4 marks le litre. L’autre jour pour avoir un litre de lai j’ai du passer dans 12 maisons. C’est tout ce que l’on peut avoir. La bière ne vaut rien.
J’ai reçu le colis contenant les trénels, tout est arrivé à bon port. A présent je n’ai besoin de rien pour le moment je peux attendre ma permission.
Dans l’adresse de mes lettres ne mettez plus secteur 206, il faut mettre secteur 32. A bientôt d’autres nouvelles. Je vous embrasse de tout mon cœur.
Joseph

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

Alsseng (Alsenz) le 26 janvier 1919

Bien chers Parents,

Nous sommes à Alsseng depuis 3 ou 4 jours et demain nous repartons de peur que l’on prenne racines. Ca m’étonne qu’on ne soit pas parti aujourd’hui dimanche.
Nous ne savons plus ou nous devons aller n'y ce que l’on veut faire de nous. On marche vers la France il ne faut pas chercher a comprendre. Comme c’est la crise des transports on va a pied.
Ici on n’est pas trop mal j’ai réussi à avoir une chambre et je couche dans un plumard.
Dans la maison ou je suis il n’y a qu’une pauvre femme malade et un jeune homme de 15 ans. Un autre de 18 va travailler toute la semaine dans une usine et vient le dimanche. Un fils de la patronne est prisonnier en France, à Etampes et n’a pas donné de ses nouvelles depuis longtemps. Deux filles sont parties en Amérique pour gagner leur vie et ne donnent plus de leurs nouvelles depuis que les Etats Unis sont en guerre. Tout ca donne le cafard à la pauvre femme.
Nous mangeons chez elle et le garçon mange tout le rabiot de temps en temps on lui donne du pinard et il ne se fait pas prier pour le boire.
Depuis quelques jours nous avons le temps très froid il gèle bien fort. Presque tous les jours les officiers font des battues hier ils ont tué 6 ou 7 lièvres, l’autre jour ils ont tué 2 chevreuils. Ils se servent des fusils de chasse et cartouches des civils qui ont du déposer toutes ces armes à la mairie.
Les permissions marchent assez bien, je ne peux pas encore savoir au juste quand ca sera mon tour. Je suis content d’apprendre que Jean est arrivé car depuis le temps il devait languir de venir faire un tour au pays. J’aurais été heureux de pouvoir être avec lui à la maison car je ne l’ai pas encore vu en soldat. Nous pourrons peut-être nous rencontrer avec Pierre.
Tous les jours il part des vieux qui étaient avec nous, inutile de vous dire s’ils sont contents d’être enfin libérés.
J’ai reçu l’autre jour une carte de Mr le Curé auquel j’avais écrit pour le premier de l’an.
Pour aujourd’hui je vous quitte en vous embrassant de tout mon cœur.
Le bonjour aux amis et voisins.
Joseph

155e R.I. 3e C.M.
canon 37 s.p. 32

1919 : février

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

Pierviller (Pierrevillers) le 9 février 1919
Lorraine

Bien chers Parents

Me voila je crois un peu en retard pour vous donner de mes nouvelles. Je suis en retard parce que nous sommes toujours en marche et en ce moment-ci ce n’est pas le filon avec le froid qu’il fait.
Depuis 4 ou 5 jours, il y a de la neige qui sur les routes est transformée en verglas, aussi on glisse beaucoup. Souvent il faut s’atteler aux voitures dans les côtes car les chevaux se tiennent à peine. Dans les descentes les voitures passent par devant les chevaux.
Je crois que ca sera bientôt fini si l’on va a Verdun. Aujourd’hui je suis près de Thionville a 16 kilom. Y passerons-nous ? demain ? Je n’en sais rien. Je ne suis pas loin de Pierre, et lui ne doit pas savoir exactement où je suis. Je vais lui écrire tout de suite pour le prévenir. Nous avons donc quitté la Bochie presque sans regret là-bas on n’était pas mal mais avec les gens on ne s’accordait pas trop. Je n’ai été bien recus par ces gens qu’une fois près de Sarrebrug. Aujourd’hui nous avons traversé la Moselle à Hauconcourt. Nous sommes dans le bassin de Briez.
Les gens chez lesquels nous logeons sont alsaciens et ne parlent pas français, les enfants seuls le parlent, nous sommes très bien reçus.
Nous rentrerons bientôt en France et ce ne sera pas trop tot car on commence à être fatigués. Il y a un mois qu’on marche. Et puis il fait très froid le pain est gelé, les pommes de terre aussi et c’est tout blanc de neige.
Les permissions sont arrêtées faute de rentrants ceux-ci sont à la Cie de ralliement, où ils attendent que le régiment soit arrivé.
Alors sitot arrivé je partirai.
Je vais écrire à Pierre aussi je vous quitte en vous embrassant de tout mon cœur.
Joseph

1919 : mars

Lettre JOSEPH à ses PARENTS

Verdun le 19 Mars 1919

Bien chers Parents

Me voilà à Verdun, depuis dimanche. Mon voyage s’est très bien accomplie en compagnie de Gustave, de Pascal et de Pierre. Pierre m’a quitté à Bar le Duc le samedi soir à 10 heures.
En arrivant à la Cie j’ai trouvé un peu de changement beaucoup de camarades sont partis étant démobilisés. Mon ami est parti dans l’aérostation et l’autre est en permission, il va passer fourrier en rentrant.
Les premiers jours j’ai eu un peu le cafard comme tout le monde mais à présent je suis de nouveau au train de la vie militaire.
Nous logeons dans des casernes un peu en dehors de la ville, et l’on n’est pas trop mal.
Le réveil est à 6 heures (heure nelle) et de 6h1/2 à 7 heures nous faisons de la gymnastique dans la cour, comme dans l’active. Le colonel nous fais sans doute faire cette pénitence comme c’est le Carême. Ensuite on travaille à réparer les cours et bâtiments.
Aujourd’hui je suis allé à la cathédrale de Verdun surveiller des prisonniers boches qui sont en train de déblayer et de réparer.
Pendant toute la journée il y eu beaucoup d’Américains et surtout d’Américaines (anciennes infirmières) qui venaient visiter la cathédrale de la ville.
Les civils venaient reconnaîtrent leurs maisons. Mais hélas quelques uns ne trouvent qu’un tas de décombres.
A propos des sursis j’ai un de mes camarades qui en a reçu un du général de sa région il la présenté à la cie pour être mis en route et on lui a répondu qu’au régiment on n’avait pas d’ordres pour ca et qu’il fallait attendre.
Pour le moment je ne vois plus rien à vous dire aussi je vous quitte en vous embrassant de tout mon cœur.
Joseph

155 R.I. 3e Cie
canon 37 s.p. 218

Je viens de me renseigner officiellement sur mon cas de démobilisation. Je fais partie de la classe 9 et il me faut un certificat de présence au corps de Pierre et Jean, et un autre de Mr le Maire certifiant que tous 3 et les parents sont cultivateurs.

Lettre JOSEPH à ses PARENTS

Verdun le 23 Mars 6h soir

Bien chers Parents

J’ai reçu aujourd’hui une carte de Jean, il me dit que le régiment va sans doute quitter bientôt le pays pour une destination inconnue peut être le dépôt.
Nous nous sommes toujours ici, a passer le temps comme nous pouvons.
Aujourd’hui dimanche la musique du régiment a donné un concert sur la place Chevert ou est la statue de ce général. Nos musiciens ont beaucoup de succès, plus de deux mille soldats étaient là pour les écouter et les applaudir.
Il y a ici toutes sortes de soldats des Français, des Américains blancs et noirs, des Italiens, des Russes, des Roumains, des Slovaques, etc la semaine on voit des Boches partout. Et avec le Breton et le Provençal on entend parler toutes les langues.
Beaucoup d’Américains prennent des vues des ruines de la ville. Des anciennes infirmières américaines viennent aussi visiter l’héroïque cité. Je ne me souviens pas si je vous l’ai dit l’autre jour j’ai été photographié par l’une devant les ruines de la cathédrale et m’a demandé aussi si elle pouvait photographier un boche et sur ma réponse affirmative elle la fait aussitôt. Mais j’ai oublié de lui donner mon adresse pour qu’elle m’envoie une épreuve comme souvenir.
Avant-hier, le colonel Lequeux a quitté le régiment pour aller dans un dépôt à l’intérieur et c’est le colonel Etienne, ancien du 155, qui vient le remplacer.
Aujourd’hui on nous a lu une note sur les sursis agricoles, il parait qu’il n’y a que les fils de veuve cultivatrice qui y auraient droit. Ce qui ne m’empêche pas d’espérer que votre demande réussira car pour ce que l’on fait ici c’est bien du temps perdu. On nettoie les cours de la caserne parce qu’on ne trouve pas autre chose à nous faire faire. Et pourtant ce ne sont pas les travaux qui manquent.
Nous faisons toujours notre demi-heure d’exercice avant 7 heures (heure nouvelle) comme si on était des bleus, on sort en bras de chemise malgré la gelée blanche. Il me semble pourtant qu’après 4 ans de campagne ...! Enfin il ne faut pas chercher à comprendre.
J’ai vu sur le journal qu’il avait neigé sur l’Aveyron.
A bientôt d’autres nouvelles.
Joseph

Lettre JOSEPH à ses PARENTS

Verdun le 27-3-1919

Bien chers Parents

J’ai reçu aujourd’hui votre lettre du 25, et j’ai été très surpris d’apprendre que Pierre part pour Salonique, et qu’il se trouve en permission. Je ne m’attendais pas du tout à cette nouvelle. Il n’est pas encore parti et d’ici la les événements ont le temps de changer.
Ici il n’y a rien d’anormal tout le monde attend avec impatience les nouveaux ordres sur la démobilisation. Tout le monde voudrait avoir des majorations et d’autres qui en ont n’en savent rien. Ainsi un de mes camarades de la classe 13 est dans le même cas que moi affecté à la classe 9 et voilà qu’aujourd’hui il apprend qu’il bénéficie encore d’une majoration de 5 classe ce qui le met de la classe 4, il devrait donc être démobilisé et lui ne savait rien de tout ça. Et il n’est pas le seul dans ce cas. On se demande ici si la démobilisation va continuer ou subir un temps d’arrêt. Chacun aimerait bien être fixé sur son sort.
Nous avons toujours la pluie il ne passe pas un jour sans qu’il tombe de l’eau, aussi on a de la boue jusqu’à la cheville.
L’autre jour j’étais de service en ville on faisait des rondes dans la ville pour arrêter les isolés circulant sans autorisation. Ca m’a permis de visiter complètement Verdun. Beaucoup de civils sont revenus réparer leur maison, car pas une seule n’est pas atteinte par les obus. Ces habitants ont des P.G. pour les aider à déblayer et je vous assure qu’ils les font travailler. Aujourd’hui je suis allé ramasser des pissenlits pour faire une salade de temps en temps on nous envoie en ramasser ce qui nous fait un petit supplément.
Je crois que ce soir il y a cinéma une des rares distractions que nous ayons. Nous avons une salle de lecture et une bibliothèque, mais la salle est éclairée par une lampe à pétrole d’écurie. Alors inutile d’insister. D’ailleurs on installe l’électricité ca sera sans doute fini pour l’été, lorsque le soleil se couchera à 9 heures, heure de dormir.
A bientôt d’autres nouvelles en attendant je vous embrasse de tout mon cœur.
Joseph

1919 : avril

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS, le 06 avril 1919

Verdun le 6 Mars 1919

Bien chers Parents,

Je n’ai encore rien reçu de Jean depuis la carte qu’il m’a envoyée 2 ou 3 jours après ma rentrée de permission. Je me demande ce qu’il fait de ne pas envoyer le certificat demandé. Je crains que, comme il est encore nouveau a la compagnie, il n’ose peut-être pas le demander. Si d’ici 4 ou 5 jours il ne vous l’a pas envoyé, ni à moi j’écrirai au commandant de sa Cie pour qu’il me l’envoie, car il me le faut absolument.
Je pense que Pierre enverra bientôt le sien. A propos de Salonique les départs pour là bas sont arrêtés au régiment. Peut être que Pierre ne partira pas, et il en sera quitte pour avoir eu ses 6 jours de permission.
Ici on ne s'est rien d’officiel au sujet de la démobilisation, mais on parle beaucoup des classes 7 et 8 pour le milieu du mois. D’après ses tuyaux, et s’ils deviennent officiels je serai libéré au moins dans un mois.
Vendredi dernier le régiment est allé au fort de Douaumont, je n’ai pas pu y aller car j’ai été commandé de service en ville. Vendredi prochain il y aura une autre sortie.
De toute la semaine il n’a pas plu, tous les matins il gelait un peu, et puis il faisait beau toute la journée. Aujourd’hui dimanche il a fait une journée splendide c’était un vrai jour de printemps, le temps parait s’être mis au beau, et ce ne serait pas malheureux.
Ici il n’y a rien d’anormal tout va à l’ordinaire, les civils reviennent petit à petit.
Je ne vois plus rien d’intéressant à vous dire pour aujourd’hui. Je vous quitte en vous embrassant de tout mon cœur.
Joseph

Lettre de PIERRE à ses PARENTS, Tarente, le 14 avril 1919

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...nous ont offert avec le plus magnifique coup d'oeil sur la mer les plus belles villes que l'on puisse rencontrer. Le bord de la mer est cotoyé par une belle route ombragée de superbes palmiers. Presque pas de culture ou plutôt la culture du luxe. Avec les parterres remplis de fleurs aux milles couleurs les orangers les citronniers embaument l'air de leur parfum. Mais parmi toutes ces villes Monaco est encore la plus belles de toutes. Bien batie et surtout bien située Monaco offre le plus beau coup d'oeil. Nous roulons toujours vers l'Italie et nous arrivons à Vantemiglia première gare Italienne. Ici changement comme du jour avec la nuit. Plus de belles villes plus de luxe. On ne trouve que le travailleur qui gagne son pain au dur labeur de la terre. Nous trouvons tout de même la grande
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culture des oeillets qui approvisionne toute notre côte d'azur de ses belles fleurs. Là nous sommes obligés d'avancer l'heure de 60mn Heure Italienne. Nous roulons toujours jusqu'à Gènes ou la première nuit nous surprend. Nous nous éveillons à Moneglia nous trouvons la mer très agitée. L'orage gronde au dessus de nous et les vagues font rage.
Nous arrivons à Spezia, ou la mer disparait à nos yeux. Le pays est pauvre. Les montagnes sont cultivées d'un bout à l'autre et divisées en escalier. Puis nous arrivons à Sarazana où nous voyons une belle vallée avec une grande rivière qui coule au fond. Là nous trouvons la culture de la vigne. Les pieds sont taillés à 2m de hauteur et le dessous est cultivé comme un champ ordinaire. Nous voyons aussi dans cette région d'immenses carrières de marbre.
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Nous roulons encore et nous arrivons à Piza ou nos regards sont de suite attirés vers la fameuse tour penchée que nous apercevons très bien. Bien assise au milieu d'une grande plaine Pize est une jolie petite ville. Tout au tour on voit de riches cultures. Le blé la vigne, le murier tout y pousse bien. On y voit aussi quelques usines rares en Italie. La 2e nuit nous surprend peu à peu et nous nous réveillons à Civitavecchia ou nous apercevons de nouveau la mer. La encore c'est la plaine. Nous trouvons de grandes équipes de travailleurs, femme, enfant, tout y est en train de sarcler le blé. C'est là que j'ai entendu aussi trois jours plus tôt qu'en France le chant du rossignol.
Sur ce je vous quitte pour le moment en vous embrassant tous.
Bien le bonjour aux voisins.
Pierre
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...On trouve les débris de rempart. Un viaduc de plusieurs kms de long attire surtout l'attention. En nous éloignant nous quittons la grande plaine pour nous enfiler dans la montagne. De là nous jouissons d'un panorama splendide. Rome ce déploie devant nos yeux avec la grande plaine qui l'entoure. Dans cette montagne nous retrouvons la culture de la vigne et de l'olivier. Là encore la vigne se cultive sous forme de treilles. Nous passons après dans une petite ville Segni Paliano en plein dans la montagne. Nous trouvons des forêts avec de maigres cultures, des paturages ou paissent des troupeaux de boeufs aux cornes énormément longues. Nous voyons aussi beaucoup de cochons. Chose étrange je n'en ai pas vu encore aucun de blanc. Ils sont tous noirs comme de véritables sangliers.
Nous descendons ensuite dans une belle petite vallée et la nuit nous prend à Cassino. Le réveil arrive à Benevento toujours dans la montagne. Ici les villages sont construits au sommet des crêtes. La vallée est presque déserte.
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Les gens dans cette région semblent être très pratiques. C'est ainsi que je remarque tout un tas de fagots perchés sur certains arbres. C'est la manière du pays. Plutôt que de construire un hangar ils grimpe là leur provision de bois. Nous roulons toujours et nous arrivons à Foggia ou nous avons encore une halte repas. Nous avons désormais quitté la montagne pour ne plus la revoir. C'est une immense plaine qui se déroule à nos yeux. Pas un arbre ne se montre sur un tapis de verdure. Ce ne sont que d'immenses champs de blé. Plus loin vers Cérignola c'est le contraire on ne voit que la culture des arbres fruitiers. Les amandiers, les figuiers, les oliviers apparaissent par milliers. Nous marchons toujours et nous voyons la mer quui nous indique que notre point terminus est près
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en effet nous ne tardons pas à arriver a Tarento. Ville presque entouré d'eau. Nous faisons le tour du petit golfe qui se trouve devant elle et nous venons nous arrêter juste en face dans un camp. La nous trouvons des cantonnements très mal aménagés et une nourriture presque inmangeable. De plus il nous est formellemnt interdit de sortir. La ville avec son port cerait interressante mais on ne peut y aller. Enfin notre traversée de l'Italie est terminée. J'en conclus que l'Italie ne vaut pas la France. Ici on ne trouve presque pas de grande routes, très peu de chemin de fer à voie double et pas du tout d'industrie. Le pays est pourtant d'aspect assez riche mais par contre les habitants ont l'air très pauvres. J'ai fait une autre remarque aussi. On parle beaucoup du macaroni j'ai eu beau regarder tout le long je n'ai pu voir aucun champ de cette plante. Peut-être l'avaient-ils déjà moissonnée.
Sur ce je vous quitte en vous embrassant.
Pierre

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

Verdun le 19 Avril 1919

Bien chers Parents,

Je suis allé ce matin au fort de Vaux avec tout le régiment. Nous sommes partis à 6 heures du matin pour rentrer à midi et demi. En arrivant au fort nous avons rendu les honneurs à ceux qui ont lutté et qui sont morts dans les ruines héroïques. Tout le dessus du fort est démoli, les fossés n’existent plus, à plusieurs endroits les voûtes ont été défoncées, pourtant il y avait une épaisseur de 10 à 12 dm de ciment armé. Aux environs et sur tout le champ de bataille c’est un véritable désert. Le sol a été complètement retourné par les obus, les bois sont signalés par quelques troncs d’arbres, tout déchiquetés. Les tranchées et boyaux sont nivelées, et de temps en temps on apercoit une petite croix à la cocarde tricolore, ou est inscrit le nom d’un soldat français mais combien hélas n’ont pas eu cette modeste sépulture, et combien encore ceux qui ont été enterrés par les camarades et déterrés ensuite par les obus. Aussi on rencontre sur le sol bouleversé des ossements humains. C’est un triste tableau, et ceux qui n’ont jamais vu la guerre, ne peuvent pas se figurer, en voyant ca que des hommes pouvaient vivrent sous de pareils bombardements.
Le colonel nous a rassemblés sur le sommet du fort et la nous a fait l’historique de la ruée allemande sur Verdun, et de la belle défense du fort. C’était le Ct Raynal du 96e qui le commandait à ce moment là, il y avait du 142e et du 53e, tous se sont battus et ont tenu jusqu’à la dernière extrémité. Ils étaient pourtant du Midi. En rentrant nous sommes passés par les forts de Tavannes et de Souville qui ont moins souffert mais qui ont reçu leur part.
J’ai ramassé quelques violettes au fort de Tavannes je vous envoie comme souvenir. A Vaux rien ne pousse. Je rapporte seulement un pétard allemand, qui a été tiré sur les défenseurs.
J’ai reçu deux cartes de Pierre une de Rome et l’autre de Tarente, il ne di pas grand chose, dans la dernière il dit qu’il me croit en sursis et à la maison. Jean m’a écrit aussi dernièrement. J’ai aussi reçu le certificat dans votre dernière lettre. Rien d’officiel pour la démob.
Demain jour de Paques il y a grand messe officielle devant la cathédrale, avec la musique.
Si parmi les soldats d’Aguessac qui sont tombés à Verdun, vous saviez l’endroit où ils sont enterrés, dites le moi car j’irai reconnaître leur tombe, et leur dire un adieu au nom de la population d’Aguessac. A bientôt d’autres nouvelles.
Joseph

Lettre de PIERRE à ses PARENTS

Salonique le 21-4-19

Bien Chers Parents
C'est toujours de plus en plus loin que je vous écris ces quelques mots. Nous sommes arrivés à Salonique samedi soir après avoir traversé la Grèce d'un bout à l'autre. Le voyage c'est très bien passé mais à notre arrivée il a plu ce qui a refroidi un peu la température. Les nuits sont assez froides au contraire le jour on étouffe presque. Il y a une grande différence entre notre France et la Grèce. Celle-ci n'est presque qu'un pays de montagnes ou paissent de nombreux troupeaux de moutons et de chèvres. On y trouve un peu de vigne mais elle est mal cultivée. Les récoltes en général sont mal entretenues ce qui dénotte une grande paresse chez les habitants. De plus le pays n'est sillonné par aucune route. On ne voit que les sentiers ou passent des ânes horriblement chargés et qui sont l'unique moyen de transport.
J'ai remarqué aussi dans ce pays une grande quantitée d'oiseaux de proie. Je ne sais d'où cela proviend mais ils sont très nombreux. Il y a aussi beaucoup de corneilles qui ne sont pas si sauvages qu'en France. Le quartier brulé de la ville en est remplie. Elles viennent dans les rues comme les pigeons chez nous. Nous avons vu aussi beaucoup de cigognes. J'ai bien pensé au jour de la foire ou j'ai quitté le diner pour tirer à vue, ici les gens ne semblent pas ce déranger pour cela. Les toits des maisons en étaient remplis. Elles avaient toutes un nid. C'est vraiment cruel chez nous de tirer sur ces oiseaux qui sont si bien reçus par ici.
La jounée de Pâques c'est encore une fois passée bien tristement. Espérons qu'il n'en sera pas ainsi pour la prochaine.
Je vous quitte en vous embrassant
Pierre

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

Verdun le 27 Avril 1919

Bien chers Parents

Je suis un peu en retard pour vous écrire, cette semaine j’ai été très occupé. J’ai fait partie d’une équipe d’artificiers chargée de faire sauter les obus qui sont autour de Verdun. Mon rôle n’était pas dangereux, j’étais chargé d’arrêter la circulation sur les routes au moment de l’explosion. Règlementairement je devais être au moins à un kilomètre du lieu de l’explosion par mesure de prudence j’allais à 1500 m ou 2 kilom. Beaucoup de cultivateurs en labourant leurs champs découvrent des obus et les signalent à l’autorité militaire. On partait le matin à 7 heures et on rentrait à 5h du soir : des pris. boches portaient les outils et les explosifs. Puis le soir après avoir mangé la soupe je partais à l’église de Glorieuse, la plus proche de la caserne, où l’aumonier de Verdun prechait une retraite pour la communion pascale. J’y suis allé tous les soirs malgré le mauvais temps, et 20 kilomètres dans les jambes. Mes camarades se demandaient où diable je pouvais bien aller tous les soirs, et ce matin leur surprise fut grande, au réveil ils ont vu mon lit vide personne ne m’avait vu partir, c’est tout juste si on ne m’a pas porté manquant, car je suis sorti sans tambour n'y trompette, j’ai sauté le mur, et me suis rendu à l’Eglise ou j’ai gagné mes Pâques. Ca été un peu difficile mais a présent je n’en suis que plus content et plus tranquille.
J’ai reçu aujourd’hui votre lettre du 24. Je vais prendre mes dispositions pour aller à Reims, voir la tombe du pauvre Fernand, et visiter le secteur où était le 58e. J’espère pouvoir y aller dimanche prochain si le temps et les circonstances le permettent. Mon sergent vient de partir en sursis agricole jusqu’au 31 août et aujourd’hui un de mes camarades s’en va jusqu’au 31 juin ca demande était faite depuis un mois et demi, et il n’y comptait plus.
Je n’ai rien reçu de Jean n'y de Pierre de la semaine.
Les permissions marchent bien et j’aurai sans doute la mienne car on ne parle pas vite de libération.
Nous avons le mauvais temps depuis quelques jours, il pleut il grêle il fait froid, et s'y on n’avait pas vu les premières hirondelles n'y entendu le coucou et le rossignol on ne croirait pas que le printemps arrive. A bientôt d’autres nouvelles. Je n’ai pas besoin de colis, n'y de rien on est bien nourris et puis on trouve en ville tout ce qu’on veut.
Joseph

1919 : mai

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

Verdun le 6 Mai 1919

Chers Parents

J’ai reçu hier au soir votre lettre du 1er Mai, contenant les noms de 3 soldats tombés à Verdun. Comme je suis à côté de Glorieuse je suis allé voir au cimetière si je trouvais la tombe de Gabriel Raynal.
Après une heure de recherches je l’ai trouvée. Elle est bien entretenue : elle est entourée d’un cadre en bois, qu’on du faire des camarades de Gabriel, il y a aussi une belle couronne portant l’inscription : La 27e batterie du 117e R.A.L. à leur regretté camarade.
Sur la croix est inscrit son nom, prénom, régiment et batterie et la date de l’inhumation et la lettre B numéro 87 se qui sert a la trouver facilement.
Le cimetière est très grand et il m’a fallu passer presque toutes les tombes pour la trouver. Ce soir je ferai un bouquet et j’irai le mettre sur la tombe. Dès que je pourrai je tâcherai de visiter d’autres cimetières pour voir si je trouve quelqu’un que j’ai connu. Dans ce cimetière j’ai trouvé la tombe d’un camarade du 58 qui était caporal au début et qui est mort lieutenant.
Depuis samedi nous avons le beau temps, ce n’était pas malheureux après tant de pluie.
Demain le régiment va en promenade au bois Bourrus. C’est demain que passe à Verdun la grande course cycliste "Circuit des champs de bataille". Nous aurons peut être quartier libre pour voir passer les coureurs. Car ca sera intéressant de voir passer les vainqueurs de cette dure épreuve. J’espère venir en permission du 20 au 30 mai, j’espère que ce coup ci se sera bien la dernière, car je ne reviendrai pas au régiment, j’espère être démobilisé avant qu’elle soit terminé. A moins que l’on veuille nous garder à perpétuité.
A bientôt le plaisir d’être au milieu de vous.
Je vous embrasse de tout mon cœur.
Joseph

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

Verdun le 11 Mai 1919
Chers Parents,
Je suis aujourd’hui de garde ce qui fait que je ne pourrais pas sortir de toute la journée.
Mercredi dernier je suis allé voir passer les fameux coureurs du Circuit des champs de bataille. On s’attendait à ce qu’on donne une permission générale pour tout le monde, ca n’a pas eu lieu aussi beaucoup ont pris la permission d’office et j’étais de ceux-là. Les coureurs devaient passer vers midi, mais vu les mauvaises routes et la fatigue les premiers ne sont passés qu’à 4 heures. A Verdun le premier de tous était Alavoine, le fameux Deruyter arrivait le 3 ou 4e. Par la sueur et la poussière ils étaient méconnaissables. Le soir à heures, j’ai vu passer le 17e Menager et le 18e Morel ils étaient si fatigués qu’il a fallu qu’on les aide pour descendre de bicyclette, et qu’on les soutienne pour signer au controle. Il a fallu qu’on les remette sur la machine et les pousser un peu. Une fois dessus ils repartent comme si rien n’était.
C’est aujourd’hui que ce termine le circuit, demain nous saurons le résultat.
Nous avons un temps splendide, il fait chaud comme en plein été, cette nuit nous avons laissé les fenêtres de la chambres ouvertes. Hier il a fait un petit orage, mais assez loin, et il n’est tombé que quelques gouttes d’eau.
J’attends avec impatience qu’il rentre des permissionnaires. Je ne suis plus que le 10e a partir. Et ca sera sans doute la libération. Car il commence à courir des bruits sur la reprise de la démobilisation.
Je vous quitte en vous embrassant de tout mon cœur.
Joseph

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

Verdun le 20 Mai 1919

Bien chers Parents,

J’ai reçu votre lettre du 15 contenant le certificat de Pierre. Je n’ai rien reçu de Jean n'y de Pierre.
Les permissionnaires commencent à rentrer, mon tour va être là d’ici quelques jours, j’ai été un peu retardé par des hommes venus en renfort. Je ne peux pas savoir exactement quel jour je partirai, se sera sans doute dans 8 ou 10 jours c'est à dire vers la fin du mois. Je pars avec la conviction de ne plus revenir au régiment, car je serais libérable avant la fin de la permission.
Car nous espérons tous que les Boches vont signer les préliminaires, et ca permettra la reprise de la démobilisation. Alors vous voyez que ça se tire. J’ai trouvé des tuyaux en caoutchouc pour pompe à sulfater, je vais tâcher d’en porter 3 n’en achetez pas avant que je sois arrivé.
Ici il n’y a rien d’anormal la vie civile reprend petit à petit tous les jours il arrive des civils, les réparations commencent, beaucoup montent des baraques pour remplacer leur maison démolie.
Il paraît que le régiment va aller à Chalons-s-Marne tenir garnison. J’espère être parti avant que ce changement ait lieu car ca ne sera pas bien interessant.
Nous avons toujours le beau temps, l’autre jour il a fait une bonne averse de 20m. et puis le temps s’est remis au beau.
Pour aujourd’hui je ne vois plus rien d’intéressant à vous dire aussi je vous quitte en vous embrassant de tout mon cœur.
Joseph

Lettre de PIERRE à ses PARENTS, à Galatz du 23 mai au 4 juin 1919

Galatz le -5-14

Bien Chers Parents,

Nous voilà en train de faire une pose pendant notre long voyage. Nous sommes à Galatz en Roumanie depuis deux jours. Je vous aie déjà écris un petit mot d'ici j'espère que vous l'avez reçu. Le voyage c'est assez bien passé. Nous sommes partis de Salonique à bord du bateau Russe Belorasia qui nous a débarqués huit jours après à Galatz. Certains passages du voyage ont été merveilleux. Tout d'abord les Dardanelles nous ont rappelé la fameuse entreprise du début et qui a du nous coûter cher par les nombreus bateaux que nous avons trouvés échoués le long des deux cotes. En général l'aspect de ces cotes est uni et ne présente pas de paysage. La sortie du détroit nous a jeté dans la mer de Marmara ou l'aspect a été comme dans toutes les mers. De l'eau à droite à gauche devant derrière dessous et dessus le ciel. Aussi c'est avec plaisir que nous sommes rentrés dans le Bosphore. La ville de Constantinople c'est bientôt offerte à nos yeux. Belle ville que la capitale ottomane on dirait un petit paris. Malheureusement nous avons pu aller la visiter. Notre bateau étant mouillé au loin du quai nous avons du regarder de loin. Mais nous avons tout de même joui d'un magnifique coup d'oeil le soir quand la ville était éclairée ainsi que les centaines de bateaux qui étaient dans le port. Et après 48 heures d'arrêt nous avons levé l'ancre pour traverser le Bosphore. La le paysage était vraiment beau. La cote est bordée de superbes villas qui nous ont bien rappelé notre cote d'azur. La mer noire avec ses eaux grisatres nous a offert ensuite un passage guère agréable. Ces eaux étant toujours agitées nous avons été par suite un peu remués. Ce qui m'a rendu malade mais ce n'a pas été grand chose tout de même. La nous avons fait une belle chasse aux marsoins. Poisson qui pèse en moyenne les 30 à 40 kilos. Ils avaient la manie de vouloir précéder le bateau de quelques mètres et à fleur d'eau. C'est a cette position que d'un coup de fusil nous les mettions à mort. La question de les pêcher ensuite était très délicate aussi nous étions obligés de les regarder partir tournant le ventre au soleil. C'était bien domague car nous en avons tué au moins 50. Cette distraction nous a aidé à trouver le voyage moins long et nous sommes arrivés à l'embouchure du Danube. Le bateau étant enfilé dans ses eaux boueuses et nous voilà partis pour remonter le fleuve. Soulina a été la première ville roumaine qui c'est offerte à nos yeux. Elle nous a bien rappelé l'alsace par ses petites maisons entourées de jardins.

1919 : juin

Lettre de PIERRE à ses PARENTS, Russie

6-6-19 Ahkerman[note]
Bien Chers Parents
Me voilà donc en ce moment en Russie en face des fameux Bolcheviks dont nous ne sommes éloignés que de 2 ou 3 kms. Mais ils n'ont pas l'air d'être bien mauvais.
Je n'ai pas encore rejoind la Cie mais j'ai trouvé le régiment. J'ai trouvé quelques lettres dont la plus fraiche était du 19 mai une de Fernand du 25. J'espère en avoir d'autres sous peu.
Je vous embrasse bien fort.
Pierre

14è Tirailleurs
2è Bllon 7è Cie
S. P. 503

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

Mercredi 25-juin-1919
Me voilà arrivé à Verdun depuis ce matin à cinq heures. Mon voyage s’est très bien passé, ici il pleut un peu et il fait presque froid. Ce matin en descendant du train j’ai du mettre ma capote. Lundi soir en arrivant à Clermont Fd j’ai appris la nouvelle de la signature de la paix
[note]. Ca ne vas pas être long maintenant. Sitôt arrivé on m’a demandé des renseignements pour la libération. Encore rien d’officiel. On s’attend a se que se soit pour la fin de la semaine.
Qu’ils se dépêchent car tout le monde languit.
A bientôt
Joseph

1919 : juillet

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

Verdun le 9 Juillet 1919.

Bien chers Parents,

Me voilà revenu de conduire mon convoi de Russes. Le voyage s’est très bien passé mais ca été très long. D’abord pour aller les wagons étaient attelés à des trains de marchandises aussi on avait de longs arrêts dans les gares car le train faisait souvent la manœuvre. Le plus fort de tout c’est quand on est arrivé a Meaux où l’on devait laisser les Russes personne ne nous attendait et personne ne voulait de nous n'y de nos Russes. Et renseignements pris c’était à Melun et non à Meaux qu’on devait les conduire. Résultat une journée de perdue. Dimanche matin on s’est mis en route pour Melun en passant par la ceinture et à toutes les gares il fallait laisser passer les trains de banlieue.
A force de faire on est arrivés à Melun à 11 heures du soir et la on nous attendait à tous les trains depuis 2 jours.
Les Russes ont été logé dans un ancien camp de prisonniers.
Nous sommes restés à Melun presque 24 heures ce qui nous a permis d’aller visiter un peu la ville. Lundi soir on reprend le train pour Paris gare de Lyon. On arrive là tous heureux de voir Paris, et de défiler de la gare de Lyon à la gare de l’Est. Mais hélas notre bonheur a été de courte de durée, car on s’est cassé le nez à la sortie :
Défense formelle d’entrer dans Paris en armes et sans permission.
Demi-tour en principe, en route pour Corbeil, 10 minutes après on repartait pour aller coucher à Corbeil d’où on repartait mardi matin avec les permissionnaires et on arrivait à Verdun à 9 heures du soir.
Pendant que nous faisions ce petit voyage d’agrément le bataillon quittait Verdun pour aller à Commercy donc demain on va encore embarquer pour aller rejoindre la compagnie.
Hier en arrivant j’ai eu votre lettre du 4 juillet, ici nous avons toujours le temps pluvieux et froid, un vrai temps à sulfater.
Le Colonel nous a annoncé aujourd’hui qu’il allait au défilé pour le 14 juillet, on ne sait pas encore si le drapeau ira. C’est probable que non.
Aujourd’hui partent les premiers démobilisés, contrairement à ce qu’on disait sur les journaux ou les hommes des armées partiraient les cinq premiers jours et ceux de l’intérieur les cinq autres sur les 10 pour chaque classe, tous les jours du 1er au 10è jour il partira quelqu’un comme ca ca n’ira pas trop vite, moi qui comptait pour le cinq aout j’attendrai au 9 aout.
Enfin ce n’est plus que du trente, encore un peu de patience et ca viendra.
Pour aujourd’hui je vous quitte en vous embrassant de tout mon cœur

Joseph

Lettre de MARIA à son fils JOSEPH

Aguessac le 9 Juillet 1919. Bien cher Joseph, Me voilà un peu en retard pour t’écrire, mais, en ce moment, on est pris par toutes sortes d’occupations et l’on manque facilement l’heure du train. Ce qui n’empêche pas que nous parlons souvent de toi et que nous regrettons beaucoup que tu ne soies pas libéré plus tôt. Enfin, quelques jours de patience encore et ce sera le retour définitif. Dans un mois tu seras là et nous ne penserons plus au départ. Je n’ai pu finir ma lettre ce matin, je la reprends ce soir et je t’annonce le mariage de Léon Armand avec Angèle Bonnemayre. Papa aura là un petit travail qui sera bientôt fait, la cérémonie se fera dans la plus grande intimité. Toute la semaine, nous avons …une petite averse qui n’a pas fait de mal aux pommes de terre, quoique la pluie ne soit pas descendue bien profond. C’est moins intéressant pour les blés, qui n’auraient pas besoin d’être mouillés pour lier les gerbes. Aujourd’hui, il a fait un temps magnifique, c’est la …. Eugène est allé au Bézéric préparer pour sulfater demain, pendant que Papa moissonne l’avoine du Mas. Rien ne presse mais on fait les morceaux qui sont prêts et ce sera tant de gagné. Nous avons eu hier deux lettres de Pierre, une du 26 et une du 28. Il va toujours bien et ne sait pas, à cette date, que la paix est signée, mais il espère être en France dans moins de trois mois. Il pourrait bien se tromper un peu mais peut-être pas de beaucoup puisque sa classe doit être libérée au 20 octobre. Je viens encore d’abandonner ma lettre pour recevoir Mr Marre, le professeur d’agriculture, avec un autre Mr. Comme ils voulaient trouver Papa, je leur ai indiqué le Mas et ils en ont pris la direction. Carlat sort de la tannerie et va faire quelques heures jusqu’à souper. Il se prépare à Millau des fêtes pour le 14 Juillet. Elles commencent le samedi soir et puis dimanche et lundi. Si le temps se maintient beau, il y aura sûrement beaucoup de monde. Je ne me rappelle pas si je t’ai dit que dimanche il y a une battue aux sangliers. Mr Blanc avait demandé du monde, car, chez lui, ils dévastent tout. De son côté, Mr Lubac avait le piqueur et la monte de Mr Fabry, de sorte que de deux battues on n’en a fait qu’une, mais sans succès. On n’a pas pu arriver à faire sortir les sangliers de dedans le fourré et, quoique les ayant très près, on n’ pas pu leur tirer parce qu’on ne les voyait pas. Jean nous a écrit avant-hier. Il est un peu ennuyé pas ses galons mais il s’y fera ! Il compte aller défiler à Rouen pour le 14 juillet. Ce n’est pas Paris, mais il faudra s’en contenter. Allons, mon cher Joseph, prenons patience malgré que nous languissions beaucoup et bientôt tu seras là ! Quel bonheur ce jour-là ! En attendant, je te quitte car sûrement je ne finirai pas ma lettre tranquille. Je suis seule, Louise ramasse la groseille. Quand tu viendras, nous aurons de la confiture, mais surtout de beaux canards prêts à manger. Ta Maman qui t’embrasse de tout cœur. Maria.

Lettre de LOUISE à son frère JOSEPH

Aguessac le 17-7-19. Bien cher Joseph, Je crois que depuis ton départ je ne t’avais pas encore écrit, mais je me reposais sur Maman, aussi aujourd’hui c’est pour de bon et j’écris à tous les trois. En ce moment, nous sommes accablés de travail, en pleines moissons. Papa vient de partir pour la Plaine, commencer à faire les passages car Mr Lubac doit nous la moissonner à la machine. Ces jours-ci, il faisait très chaud et hier et aujourd’hui il fait presque froid. Ce n’est pas un joli temps pour la moisson, mais quand le blé est mûr il faut le couper. Dimanche et lundi, il y avait grande fête à Millau en l’honneur de la Victoire et de la paix. Tu comprends bien que j’y suis allée passer les deux jours car si j’avais manqué, j’aurais fâché les familles Héran et Espinasse car j’étais invitée aux deux, à passer un jour chez chacune. Les fêtes se sont très bien passées. Le dimanche, il y a eu Messe des Morts dans toutes les paroisses et, après, un grand cortège s’est formé, se dirigeant au cimetière où toutes les écoles de la ville y avait pris part, la municipalité, le clergé, enfin tous s’étaient réunis, puis au cimetière on a prononcé des discours : tour à tour, Mr le Maire de Millau, puis Mr Balitrand, puis le sous Préfet, puis le Pasteur protestant et puis l’archiprêtre de Notre Dame, qui a clôturé les discours et c’est ce qui a rendu la cérémonie bien longue. Après ce devoir rempli, on s’est amusé tout le dimanche et le lundi et, maintenant, chacun est revenu à son travail, en souhaitant de ne plus revoir de guerre. Je ne parle pas des diverses choses qui se sont passées car ce serait trop long, mais si on en parle sur le Messager, je te l’enverrai. Mais je te dirai que nous avons fait périr Citran avec les confettis, nous l’avons saoulé, en conséquence nous étions cinq sur lui aussi et il ne savait comment se défendre. Je m’arrête pour aujourd’hui car l’heure s’avance. Ta sœur qui t’aime bien. Louise.

Lettre de MARIA à son fils JOSEPH

Aguessac le 21 Juillet 1919. Mon cher Joseph, Enfin cette fois nous pouvons compter les jours qui nous séparent encore de celui de ta libération. Quel bonheur tout de même de pouvoir bientôt dire c’est fini ! Quant à Pierre, ce sera un peu plus tard mais tu peux croire qu’il en languit. Au moment où je t’écris, le facteur nous remet la lettre demandant le certificat de Pierre, que je viens de trouver parmi les cartes que tu as laissées. Je te l’envoie donc immédiatement, de cette manière tu n’auras pas de retard. Nous avons eu, la semaine dernière, quelques journées assez chaudes, mais hier il a plu un peu et le temps s’est rafraîchi. Nous devions aujourd’hui moissonner la Malène mais, au Bézéric, quelques tâches de mildiou se sont produites sur les nouvelles pousses, alors aujourd’hui Papa et Eugène sulfatent. Nous en avons pour une partie de la semaine pour moissonner et vite on ramassera les gerbes pour dépiquer au plus tôt car la machine sera là dans une dizaine de jours. Nous attendions hier des nouvelles de Pierre, je pense que nous en aurons ce soir. Les événements en Hongrie ont l’air de prendre des proportions pas trop rassurantes, aussi on tremble toujours. Demain soir mardi, nous avons le mariage de Georgette Laurens. Fernand Masson arrive ce soir. Il a de la veine d’être au dépôt. Il profite de quelques bonnes permissions et il est délivré de bien des ennuis. Je m’arrête pour aujourd’hui et je t’embrasse de tout mon cœur, mon Joseph, en attendant de le faire bientôt réellement. Maria.

Lettre de JOSEPH à ses PARENTS

Commercy (*) le 23 Juillet. Bien chers Parents, Je viens de recevoir votre lettre du 21, contenant le certificat de Pierre. Ce qui fait que maintenant il ne me manque rien et je vais porter tous mes papiers au bureau. Sans cela, je n’aurais pas pu partir car d’autres ont eu des majorations et n’avaient pas de certificats pour justifier leur cas, on les laissait partir tout de même, en leur faisant signer un papier prouvant qu’ils étaient dans le cas de majoration et promettant d’envoyer les pièces le plus tôt possible. Mais, voilà, une fois partis, la plupart n’envoyaient rien et restaient introuvables. Aussi, on a dû prendre les mesures nécessaires pour que cela ne se renouvelle pas. Il paraît qu’à partir de la classe 9, on ne mettait que 7 jours pour libérer une classe. Cela m’avancerait donc de trois jours. Mais les classes 16 et 17 seraient avancées presque d’un mois. D’ici quinze jours, je pourrai faire la malle et ce sera sans regret ! Il ne me semble pas possible que ce jour-là puisse bientôt arriver et pourtant il est là tout proche. Il ya tellement de temps qu’on est là qu’il semble que c’est pour toute la vie ! Ce matin, j’ai compté les jours que j’avais fait depuis le 26 novembre 1913, je suis à mon 2 025ème ! Nous sommes toujours en train de ne rien faire. Manger et dormir, voilà notre programme ! A la fin du mois, le régiment va quitter Verdun pour venir en garnison à Commercy et occuper la caserne où il était avant la guerre. Nous avons toujours le temps froid et la pluie. Je n’ai encore rien reçu de Pierre, je vais lui écrire aujourd’hui. Je vous quitte, en vous embrassant de tout mon cœur. Joseph. 155è R.I. 3è C.M. Commercy Meuse.

Lettre de MARIA à son fils JOSEPH

Aguessac le 26 Juillet 1919. Bien cher Joseph, Je n’ai pas envie de t’écrire bien longuement car bientôt nous n’aurons pas besoin de lettres pour nous raconter beaucoup de choses. Il ne semble pas possible que ce soit vrai et pourtant on l’a tant désiré, ce jour ! Nos hommes rentrent les gerbes à grand train. Aujourd’hui, nous avons Vors avec son mulet pour rentrer celles du Bézéric, car ce serait trop de fatigue pour le pauvre Grisou ! Et puis, comme c’est loin, dans un jour ce sera réclamé. Il fait un temps splendide pour ce travail ainsi que pour dépiquer mais les pommes de terre sèchent avec la fleur, probablement qu’on n’en sera pas riches. Tout sèche, il fait quatre gouttes de pluie à peu près toutes les semaines et c’est tout ! Pierre compte bien lui aussi l’époque de la démobilisation, qu’il entrevoit encore loin mais, d’après le journal, on activerait un peu plus et alors il pourrait être là plus tôt qu’il ne croit. Fernand Masson a encore obtenu une permission agricole de 12 jours. Je ne puis te dire quel effet il a produit quand on l’a vu. Imagine-toi qu’il s’est rasé complètement la moustache. On dirait un acteur ! Louise lui dit qu’il ressemble à un frère ou à un curé. Aussi on l’appelle « ce cher Frère », quel type avec ses idées bizarres. Nous lui avons dit qu’il est caluc ! Sa mère veut lui faire le chignon et lui mettre une robe etc. On s’amuse bien de lui et il s’y prête de bon cœur. Cette nuit, toute l’équipe Masson et Rascalou sont allés faire une partie qui n’a pas été miraculeuse, mais on en a suffisamment pour aujourd’hui. Mr François Espinasse, ayant bruit de la partie, est arrivé à 9 h. pour jouir du coup d’œil et on lui a donné le plus gros pour prendre chez lui, il pesait au moins trois livres. Tu as une bonne idée, de vouloir porter quelques gâteaux du pays. Nous les goûterons avec plaisir, car nous sommes bien un peu gourmands. Lundi, il y aura juste un an que Papa a été blessé mais aussi je veux lui payer, ce jour-là, un beau canard pour fêter cet anniversaire, qui aurait pu être si fatal pour nous tous. Le Bon Dieu nous a bien aimés de nous le conserver ! Je veux encore écrire à Pierre et à Jean et puis il me faudra faire le dîner. Je te quitte donc, mon cher Joseph, en t’embrassant de tout cœur. A bientôt donc de tes nouvelles et surtout le plaisir de te voir arriver pour toujours. Ta Maman qui t’aime bien. Maria.

1919 : août